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Critique de gerardmuller


le Moine
Matthew Gregory Lewis (1775-1818)
le Moine, c'est un certain Ambrosio dont on va faire la connaissance au fil des pages de ce roman sulfureux.
« Il y avait à peine cinq minutes que la cloche du couvent sonnait, et déjà la foule se pressait dans l'église des Capucins. »
La motivation de chacun était bien différente : les femmes venaient surtout pour se montrer et les hommes pour voir les femmes ! On pouvait dire que la moitié de Madrid était venue dans l'espoir d'y rencontrer l'autre !
Alors que l'office est sur le point de commencer, deux nouvelles venues en ce lieu font leur apparition : la vieille Léonella bien connue dans la cité et une jeune personne à la tournure élégante et délicate, la taille légère et aérienne telle une hamadryade.
Parmi l'assemblée, Don Lorenzo et Don Cristoval qui, galants hommes qu'ils sont, offrent leur siège aux deux femmes. Lorenzo subjugué par la beauté de la jeune femme engage sans détour la conversation et apprend qu'elle est la nièce de Léonella, estime son âge à quinze ans et découvre un malin sourire sur ses lèvres accompagnant une certaine timidité. Elle s'appelle Antonia et vient de Murcie. Elle est la petite fille du marquis de Las Cisternas.
le prieur Ambrosio attire régulièrement les fidèles tous les jeudis en raison de la qualité de ses sermons. Âgé d'une trentaine d'années, on ne sait d'où il vient car il fut abandonné autrefois à l'entrée du monastère alors qu'il n'était qu'un nourrisson ; véritable anachorète, il vit habituellement dans l'isolement le plus total, hors du monde.
Un peu plus tard, Lorenzo découvre que sa soeur Agnès, qui a prononcé ses voeux pour devenir nonne, entretient une correspondance clandestine avec un certain Raymond de Las Cisternas, marquis parent d'Antonia.
Alors qu'après le sermon Ambrosio a regagné ca cellule, trois petits coups sont frappés à sa porte. C'est le jeune novice Rosario, toujours encapuchonné si bien que personne n'a vraiment jamais vu entièrement son visage. Un personnage mystérieux, solitaire et silencieux le plus souvent, évitant la compagnie des moines, mais recherchant la société du prieur qui est particulièrement indulgent avec lui, charmé par la vivacité de son esprit quand il lui enseigne les différentes sciences. La visite de Rosario a pour but de demander des oraisons pour le rétablissement d'un de ses amis, un certain Vincentio. Il saisit cette occurrence pour se confier à Ambrosio.
Un peu plus tard, tandis que les nonnes viennent à la chapelle se confesser, l'une d'entre elles laisse tomber par mégarde une lettre que voit Ambrosio. Ce message prévient Agnès, la nonne, que son évasion du couvent n'est plus qu'une question d'heures. le marquis Raymond de Las Cisternas est l'auteur du message. Agnès avoue tout à Ambrosio et notamment qu'elle a violé ses voeux de chasteté et sera bientôt mère. Ambrosio doit en référer à la mère supérieure. Alors qu'il rejoint l'ermitage, il aperçoit Rosario en larmes, qui vient lui confier que sa détresse est liée à la mort de sa soeur Mathilde minée par les chagrins au printemps de sa vie. Ambrosio touché par la confiance que lui témoigne Rosario, l'exhorte à poursuivre sa confession. Rosario prie Ambrosio de ne pas l'obliger à quitter le monastère avant que son noviciat soit expiré s'il lui avoue un brûlant secret, ce que promet le prieur. Alors Rosario se jetant au pied du moine dit : « Mon père, je suis une femme ! … Je suis Mathilde, vous êtes celui que j'aime ! »
En une longue confidence, Mathilde avoue son amour inattingible et irrépressible pour le prieur depuis le jour où elle entendit en l'église des Capucins un sermon qui la bouleversa. Face à l'incompréhension et l'inflexibilité d'Ambrosio, elle ne demande que la liberté d'être auprès de lui, n'espérant point inspirer un amour comme le sien. Alors l'inébranlable décision d'Ambrosio de l'exclure quoiqu'il soit sérieusement ébranlé dans ses convictions, conduit Mathilde a une décision extrême. Un passage magnifique de ce roman qui voit s'affronter deux volontés implacables et qui place l'amour au dessus des convenances.
C'est alors que la confusion va gagner Ambrosio dont les pensées et les rêves sont peuplés de Mathilde, et ses désirs non satisfaits suscitent devant lui les images les plus lascives et les plus excitantes. Jugeant qu'il y a infiniment plus de mérite à vaincre la tentation qu'à l'éviter, Ambrosio transige et accorde un délai à Mathilde se réjouissant ainsi de l'occasion qui lui est offerte de prouver la fermeté de sa vertu. Mais il ne savait pas encore que le vice est toujours plus dangereux lorsqu'il se cache derrière le masque de la vertu.
Pendant ce temps, Lorenzo se rend auprès de Raymond de Las Cisternas afin d'avoir des explications sur la relation qui existe entre lui et Agnès. Raymond avoue son amour pour Agnès qu'il a rencontrée lors d'un voyage et qui victime de la jalousie de sa tante s'est retrouvée au couvent. Raymond a tout tenté pour s'échapper avec Agnès. En vain. Avec Lorenzo il fait une demande au pape pour qu'Agnès soit libérée de ses voeux. Ne sera-ce pas trop tard ? Un destin funeste guette Agnès en raison de la faute commise avec Raymond.
Dans le même temps, Lorenzo cherche à obtenir la main d'Antonia. Les échanges avec Elvire, la mère d'Antonia, sont des plus houleux quand celle-ci allègue que la vie lui a appris que le malheur accompagne les alliances inégales. Elvire refuse de confier sa fille à un homme certes amoureux et romanesque mais désargenté.
Quant à Ambrosio, loin d'éprouver des remords, il découvre les joies de l'amour physique avec Mathilde. Mais les premiers transports passés d'une dilection folle et les désirs d'Ambrosio assouvis, la honte remplace le plaisir malgré les propos de Mathilde qui lui rappelle que l'homme n'a pas été créé pour le célibat et que si l'amour était un crime, Dieu ne l'aurait pas fait si doux et si irrésistible. Et la belle impudique a plus d'un tour dans son sac et sait mettre en pratique toutes les inventions de la débauche, tous les raffinements de l'art du plaisir. Et le long jeûne qu'a vécu Ambrosio n'a fait qu'aiguiser son appétit et les excès luxurieux de la nuit font que les amants ne se séparent que lorsque la cloche du monastère sonne matines. Peu à peu le fréquent usage rend le pécher familier, et la possession qui finit par lasser l'homme ne fait qu'accroitre l'affection de Mathilde.
Ambrosio jette alors son dévolu sur la tendre et innocente Antonia. Tous les prétextes sont bons pour rendre visite à la jeune fille dont la mère est souffrante ce qui donne un alibi à Ambrosio pour aller et venir. Habile et d'une éloquence rare, le prieur ne doute pas qu'avec le temps il ne puisse amener Antonia au point désiré. Elvire sa mère a compris le manège et craint qu'en écartant le bandeau de l'ignorance elle ne déchire le voile de l'innocence de sa fille.
C'est là que Mathilde intervient en qualité de confidente puisque l'amour d'Ambrosio ne peut plus lui appartenir, et exhorte le prieur à la suivre dans l'antre de la sorcellerie malgré ses refus répétés qui font dire à Mathilde que ce n'est pas le crime qui retient son bras mais le châtiment, que ce n'est pas le respect de Dieu qui l'arrête mais l'effroi de sa vengeance ! Mathilde remet le rameau magique à Ambrosio qui doit lui ouvrir toute grande la porte d'Antonia. Mais rien ne se passe comme prévu. Elvire surgit au moment crucial…La suite est un scénario machiavélique monté par Ambrosio et Mathilde pour tenter de déshonorer et d'abuser Antonia.
Mais l'Inquisition veille sur les fidèles. Et également le Démon qui va révéler à Ambrosio quelques secrets inimaginables…Et il n'est pas certain que Ambrosio quoique exprimant quelque résipiscence, et sa satanique comparse Mathilde puissent leur échapper.
Ce roman gothique dont l'action se déroule en Espagne au XVIIe siècle fut publié en 1796 et connut un immense succès. Oeuvre de jeunesse de Lewis (1775-1818), il suscita de nombreuses imitations. Les thèmes abordés, viol, inceste, parricide, magie noire, critique du monde religieux, lui valurent d'être censuré. le Moine se situe dans les premiers rangs de l'école satanique grâce à l'ambiance de terreur qui règne tout au long du récit et aussi grâce à la peinture énergique et réaliste des passions dévorantes et irrémissibles qui animent les intervenants.
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