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Critique de Enroute


Pour Libéra, la querelle des universaux n'est pas cette "bête" opposition entre réalisme et nominalisme issue de l'Isagoge de Porphyre comme on le répète toujours. Et comme il ne veut pas non plus reprendre des mots-clé et leurs définitions toutes faites, il entreprend de faire l'histoire des idées qui mène à la querelle des universaux. Et comme toujours, tout commence et se poursuit avec Platon et Aristote. La question des universaux, c'est-à-dire du statut des genres et des espèces entre dans une querelle Platon-Aristote qui traverse le Moyen Age à une époque où on ne connaît pas Platon et très mal Aristote.

C'est qu'une cassure philosophique s'est opérée entre les néoplatoniciens des 5 et 6ème siècles et les théoriciens occidentaux du XIème. Les néoplatoniciens avaient essayé de conjoindre Platon et Aristote et, de fait, leurs commentaires le font. Au Moyen Age, on ne sait plus le grec et ce qu'on lit pour être du "pur" Aristote est en réalité un Aristote déjà platonisant. La connaissance est-elle une réminiscence (Platon) ou une abstraction du sensible (Aristote) ? C'est la question de la Trinité qui pousse à puiser dans les textes disponibles, ceux de Boèce et de Porphyre, des solutions. Alors naît la querelle des universaux. le genre, est-ce une chose, un son, un concept ? Bizarrement, celui qui est tenu pour le premier nominaliste, Abélard, s'oppose à Aristote : pour lui, les universaux ne sont pas des choses, mais des termes, non leurs signifiés. Pour les Porrétains, le genre est une collection d'individus réunis par une ressemblance ("hommes" est la collection de tous les individus qui se ressemblent et répondent chacun à "homme").

Avicenne complique. Il différencie l'existence et l'essence : désormais on peut signifier une essence qui n'existe pas. Il définit aussi l'intention. L'universel est une intention qui peut se prédiquer de plusieurs sujets, qu'ils existent ou non.Tous les mots sont des universels : soleil pourrait très bien exister en plusieurs exemplaires dont un seul "existe". Bien sûr, une exception : Dieu, qui est une intension (avec un "s") car on ne peut logiquement supposer que l'être premier soit multiple.

Averroès double l'intention. Pour lui, l'imagination saisit les choses puis l'intellect dépouille l'imagination pour produire un être objectif. le sujet actualise les intentions imaginées puis reçoit l'intention dépouillée. L'être humain est bizarrement composé de deux sujets. Suarez et Descartes, en un sens, reprendront.

Pour Thomas d'Aquin, l'universl n'est pas dans la chose ni substance, mais il fait connaître la substance. Pour Siger de Brabant qui représente les averroïstes latins, l'universel est dans les particuliers, mais ne sont pas non plus substance. IL annonce Occam. Tandis que pour les réalistes, les universels sont des choses universelles et ne sont pas dans l'âme.

Au 13ème siècle s'opposent les traditions parisienne et oxonienne. Albert le Grand redécouvre les trois états de l'universel des néoplatoniciens et réfute Platon qu'il retrouve chez Avicenne. Platon ne comble pas le fossé entre l'idéal et le réel. La théorie des 3 états de l'universel devient commune dans la deuxième moitié du XIIIème siècle.

Thomas d'Aquin déplatonise la théologie. Ce qui ne lui plaît pas, c'est l'idée de séparer l'âme et le corps : que serait la résurrection si l'immortalité de l'âme n'entraînait pas celle du corps ? Ensuite, ce sont Pierre d'Auvergne, Raoul le Breton, Simon de Faversham qui donnent leur opinion, avant la "révolution du XIVème siècle" avec Henri de Gand, Matthieur d'Acquastparta, Duns Scot ou Guillaume d'Occam.

Guillaume d'Occm pose que n'existent que des singuliers. Les mots existent par convention. Ils désignent des collections d'individus, Occam est donc nominaliste. Savoir, connaître et juger, c'est la même chose. L'universel est un concept. Malgré sa critique du réalisme, celui-ci résiste : Jean Sharpe le refonde. Et, pour LIbéra, la querelle prend fin avec la crémation sur le bûcher de Jérôme de Prague en 1416 qui réintroduit le platonicisme. La fin des interprétations successives d'Aristote achève la période qu'on appelle querelle des universaux.

Pour Libéra, tout cela est un mythe. L'histoire de la philosphie du Moyen Age est celle d'une transmission de la pensée, d'une tentative d'opposer ou de rassembler Platon et Aristote, malgré les siècles d'écart, les commentaires et les sources lacunaires. Période inventive et féconde, on la ramène à cette seule question des "universaux" qui aborde pourtant aussi la théorie de la connaissance, les questions de la perception, par exemple.
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