AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Butylphenyl


“Écrire c'est être assis, immobile dans l'agitation infinie.”

J'aurais pu troquer cet aphorisme pour une centaine d'autres, tant L'écrivain et l'autre regorge de formules similaires. Et pour cause il s'agit d'un journal dans lequel l'auteur dissèque avec une extrême précision son rapport à l'écriture et à la vie.

Peut-être l'ignorez-vous mais Carlos Liscano est un écrivain uruguayen incontournable en Amérique du sud. Il a été torturé et emprisonné 13 ans par le régime militaire en place en raison de ses convictions politiques : il était membre des Tupamaros, un mouvement d'extrême gauche. C'est entre 4 murs qu'il a appris la mort de sa mère et le suicide de son père ; entre ses 4 murs également qu'il a commencé à mettre des mots sur son vécu. Il a depuis publié plusieurs écrits, tous ovationnés à l'international avant d'évoquer en 2010 son rapport à l'écrit et plus largement à la littérature et d'exposer l'intimité de ses pensées.

L'écrivain et l'autre n'est donc pas un essai sur l'écriture – bien que certains passages puissent y faire penser et supplantent au passage le flot de médiocrités qui pullulent en librairie – mais plutôt un regard introspectif sur la démarche de l'écrivain, une dissection du processus et également, en filigrane, de l'homme. Pourquoi écrit-on ? Pour reprendre le pouvoir nous dit-il. Pour échapper à la place que le monde nous assigne. Comme on respire. Comment écrire ? En écoutant “la rumeur des mots”. En suivant “le “flair pour les mots, pour les phrases, pour ce qui pourrait être le sujet d'un livre. Parce que ce flair s'éduque, se développe avec l'activité, mais il précède la décision d'écrire."

Carlos Liscano distingue l'homme qui peut se sustenter d'une vie ordinaire du personnage de l'écrivain – indispensable selon lui, prioritaire même – dit “l'inventé”. L'un veut vivre, trouver l'amour, avoir des enfants, l'autre veut écrire au risque de ne plus savoir faire qu'observer. Il les présente comme 2 pans antagonistes et tente d'analyser leur étrange cohabitation.

On suit le fil de ses pensées et de ses errances, à mi chemin entre le constat poétique et la détresse pudique. Un récit d'une sincérité désarmante, très clairvoyant, à mettre entre toutes les mains qui doutent.

•°•°•°• A lire tout particulièrement si :
- vous avez le syndrome de la page blanche ;
- vous avez un rapport compliqué à l'écriture ;
- vous vouez un culte à Cioran ;
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}