Un politicien corrompu presque contre son grès, un pêcheur sans le sous qui voit ses filets remonter de plus en plus vides (ou de moins en moins pleins), des activistes qui agissent depuis le pont d'un bateau et des situations qui sont rarement aussi simples qu'elles le paraissent au premier abord.
L'aboyeur, le navire sur lequel se passe une bonne partie du récit, est directement inspiré du Bob Barker, un véritable (ex)bateau de la flotte de
Sea Shepherd. Ce qui n'a rien d'un hasard (sans blague) puisque
Maxime de Lisle, le scénariste, à lui-même passé de nombreux mois en mer pour l'association.
Cette BD met en lumière des problèmes qui ne font pas partie des premiers auxquels je pense quand on me parle de surpêche. Car, en effet, il n'y a pas que les animaux marins qui souffrent de ça, mais bien aussi des populations des côtes (de l'Afrique, en l'occurrence, mais pas que).
Comment un pêcheur « artisanal » peut-il se retrouver enrôlé sur un chalutier ? Comment font les industriels pour obtenir des permis qui devraient leur être refusé ? Qu'est-ce qui pousse les capitaines de ses monstres des mers à braconner et à ne jamais respecter les quotas ?
Là où je m'attendais à un livre qui ferait la part belle aux victimes animales, j'ai trouvé un livre profondément humaniste. Ce qui est un bon point, car moins on oubliera de monde sur le bord de la route, plus on aura de chance d'avancer avec un maximum de cartes en mains. Néanmoins, je l'avoue, je me désole que l'un des aspects du problème n'ait été que très peu été abordé dans la BD. Celui qui pourtant me parait essentiel, puisqu'il concerne les principaux impactés : la vie des animaux.
On nous parle des requins tués en masse, et même des baleines ou des oiseaux, mais pas une seule fois il n'est fait mention des poissons eux mêmes. Or, elles sont bien là les principales victimes de la (sur)pêche.
On parle même d'elles en tonnes sans jamais donner le nombre d'individus. Peut-être parce que le nombre serait si absurde de gigantisme qu'il n'éveillerait au fond pas grand-chose en nous. Un chiffre dont on n'est pas sûr, parce que personne ne s'est jamais amusé à compter, mais que l'on évalue entre 1 et 3 milliards par an.
Entre 1 et 3 milliards. Ça fait beaucoup, on dirait, mais beaucoup comment ? Quelle différence entre un million et un milliard de morts, d'ailleurs ? Ce sont tous deux des chiffres énormes, trop gros pour être bien assimilés par un cerveau humain (le mien autant que le vôtre, hein, je ne me retire pas de l'équation, loin de là.)
Sauf que la différence, elle est là : un million de secondes équivaut à 11 jours et demi, là où un milliard correspond presque à 32 ans.
Ça fait beaucoup de sang sur les mains, plus encore dans l'océan.
Mais, comme je le disais, ce n'est pas tellement de ça que parle de livre. Parce qu'en plus de vider les océans de ses poissons à une vitesse absurdement affolante, la surpêche est aussi responsable d'autres problèmes majeurs. Des écosystèmes bousillés, des populations de requins, de mammifères marins et d'oiseaux en danger, la structure océanique qui s'effondre, des prises accessoires qui représentent jusqu'à 25 % des animaux pêchés (des animaux non ciblés qui sont rejetés, morts, à la mer, ce qui entraîne encore d'autres problèmes, vous imaginez bien). Plus surprenant, elle favorise aussi l'immigration et la piraterie (faudra penser à prévenir certains partis politique...)
Entre chaque chapitre une double page explicative en mode documentaire nous donne de multiples informations sur tous ces sujets, ce qui rajoute incontestablement un plus à l'histoire.
Au niveau graphique, j'ai parfois, surtout au début de l'album, eu un peu de mal avec les dessins des visages, qui m'ont semblé un peu grossiers et hésitants. Mais assez rapidement l'auteur parvient à les apprivoiser et ils ne détonnent alors plus autant sur les magnifiques paysages (À l'aquarelle ? À l'encre ? J'ai un doute). D'ailleurs, plusieurs planches, en particulier celles de nuit, sont fantastiques.
En définitive, une lecture utile qui est parvenue à m'apprendre de nombreuses choses bien que j'ai déjà pas mal lu sur le sujet, et une BD à mettre entre toutes les mains, bien que ce soit ceux qui auraient le plus besoin de la lire qui risquent de s'en désintéresser.