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Critique de Adelcarne


C'est le roman d'un naître à soi, d'un déploiement. C'est la conscience d'un corps qui s'habite. La conscience qu'elle le dépasse, qu'il l'enferme, qu'il définit, c'est une conscience qui n'entend pas s'y arrêter. Et le désir vivace de s'accomplir absolument dans le corps et l'esprit unis.

La jeune Joana se meut, se déploie, s'articule, se surprend prendre corps. C'est le temps d'un devenir femme. Qui s'étire. D'un devenir soi. C'est la surprise de se déceler, de se sentir corps, de le sentir trop peu, de manquer de place dans l'être chair. C'est un corps à esprit qui se joue dans une écriture sensuelle et ouatée, délicate, onirique, parfois flottante, parfois d'une abstraction un peu déconcertante. Où l'on lit une force de vivre éclore.

C'est un ravissement de s'apparaître. L'étonnement de l'incarnation.

"La jeune fille rit doucement de joie de corps. Ses jambes minces, lisses, ses seins petits ont surgi de l'eau. Elle se connait à peine, n'a même pas grandi entièrement, elle a seulement émergé de l'enfance. Elle étend une jambe, regarde son pied de loin, le meut tendre, lentement comme une aile fragile. Elle lève ses bras au dessus de la tête, vers le plafond perdu dans la pénombre, les yeux fermés, sans aucun sentiment, seulement du mouvement. Son corps s'allonge, s'étire, resplendit humide dans la demie obscurité - c'est une ligne tendue et tremblante (…)."

Joana naît à elle-même envers le monde, dans le choix d'une existence intérieure pure, vécue dans les plis d'une réalité de laquelle elle s'est mise au bord, assouplie et pliée dans les bons vouloirs simples de son mari Octavio, qui ne la limite qu'en faits. Pas en pensée, pas en elle-même. Elle, sera toujours au dessus, au delà. En dedans.

La réalité de Joana n'est que dans son être à elle-même.

Dans le monde des choses, elle échappe, s'échappe et devient impalpable presque, pour le lecteur. Sa réalité n'est qu'incarnée et intérieure ; Joana noue le corps et l'esprit dans une intelligence sensible qui est son mode d'être absolu. Et c'est en ça qu'elle me touche, c'est dans cette possibilité que ce personnage me trouble et m'éblouis.

"Elle fut si corps qu'elle fut pur esprit. Elle traversait les événements et les heures immatérielle, se glissant entre eux avec la légèreté d'un instant (..)"

Il ne se produit rien dans l'extérieur d'elle. Son entourage est un décor, les personnages sont le théâtre d'une vacuité qui propulse, plus avant, plus profond, dans son intériorité. le monde alentours joue en contre-jour pour faire rayonner plus pleinement l'explosion de force de cette jeune fille puis de cette femme qui se découvre pleine, et libre, et avide de ce plein. le vide est autour, il est le monde environnant. Seule, en dedans d'elle, est la vie, l'explosion de vie qui submerge et détend les limites du corps.

Elle est corps et âme dans un tout qu'elle ne fragmente pas. Dans un tout qu'elle ne parvient pas à fragmenter. Son âme se dissout dans tous ses gestes, dans les mouvements du corps qui vont vers. Vers un dépassement, vers une totalité de l'intelligible et du sensible.
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