Theorann, tome 1 : La Naissance du Crépuscule

A cet instant, elle aurait voulu tout oublier, chasser toutes les pensées encombrantes de son esprit et se libérer de ses tourments. L'oubli serait une si douce délivrance...

Une nuit sans sommeil peut s'avérer atrocement longue. Le temps semble s'écouler plus lentement, les peurs de chacun deviennent plus difficiles à contrôler, et souvent, l'avenir parait bien plus sombre. C'est un monde à part, qui n'appartient qu'à ceux qui parviennent à le dompter.

- Vous voulez faire cohabiter ces deux-là ? rétorqua-t-il de sa voix rauque en montrant du menton [...] qui tentait de rassembler au mieux les troupes et [...] qui était assis dans un coin et observait la scène en taillant un bout de bois.
- Ils ne sont pas obligés de dormir dans la même chambre...
- Hum... C'est préférable oui, si vous ne souhaitez pas retrouver l'un des deux étouffé dans son oreiller le lendemain.

Ils restèrent là, assis à observer la danse des feux follets, silencieusement. Pour beaucoup, cet instant n'aurait rien représenté. Néanmoins, Ambre avait vu tant d'horreurs, tant d'atrocités, qu'à ses yeux la moindre goutte de bonheur était aussi vaste qu'un océan tout entier. Et elle savait combien ces moments de joie étaient éphémères.

Lorsqu'ils arrivèrent au sommet de la butte, Ambre eut le souffle coupé. Devant elle s'étendait un paysage d'une beauté chimérique. Au pied du mont s'allongeait une large nappe d'eau, au milieu de laquelle se dressaient de gigantesque rochers gris de plusieurs centaines de mètres. Du haut de chacun de ces rochers déferlaient d'énormes cascades qui s'écrasaient sur la surface aqueuse en un épais brouillard blanc. Loin derrière ces piques rocailleux, on pouvait apercevoir l'extrémité d'une plage de sable d'argent qui s'achevait à la frontière d'une forêt de lianes.

- Ambre... Personne n'apprivoise les Sumraks dans ce monde. Ils font partie des créatures les plus dangereuses qui soient. Et toi... tu t'en fais un compagnon de route, dit-il en riant. Tu es décidément une bien étrange personne.
- Je ne sais pas comment je dois le prendre, répondit-elle sur le ton de la plaisanterie.

Ils avancèrent le long des rues pavées, dans ce village délimité par un muret circulaire. La végétation y était abondante ; une mousse sombre commençait à recouvrir le sol, vif rappel du temps qui dévorait progressivement ce que les hommes avaient construit, puis abandonné.

Elle n'avait que sept ans : âge auquel la mort n'est qu'un mot creux, dénué de sens. Pourtant, Ambre souffrait comme si son âme avait été scindée en deux. Un vide s'était créé en elle, tellement profond qu'il ne pourrait jamais être comblé.