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Critique de kuroineko


Cher Mr London,
Je vous dois des excuses pour vous avoir jusqu'à présent cantonné au rayon littérature jeunesse d'aventure. J'étais restée, vous concernant, au Croc Blanc de mon enfance. Ignare que j'étais, comme si cet unique ouvrage résumait votre prolifique oeuvre...

C'est ainsi que tout récemment, je vous redécouvris avec Martin Eden, grâce au livre le gang des rêves de Luca di Fulvio où le jeune Christmas le lit et établit des parallèles entre lui et votre destinée, tous deux obnubilés par une jeune beauté prénommée Ruth. Comme quoi tous les chemins mènent à d'autres lectures...

Pour revenir à Martin Eden, qui est, selon les spécialistes, votre roman le plus autobiographique, je suis tout simplement restée époustouflée dès les premières pages. C'est l'histoire d'un jeune gars du peuple, impécunieux mais plein de ressources et qui ne renâcle pas à la tâche, bourlingueur, puissant et facilement bagarreur, brave type dans l'âme. Étant venu en aide à un étudiant qui se faisait molester, celui-ci invite son sauveur à déjeuner chez lui pour le remercier. On sent Martin tellement mal à l'aise dans cette demeure bourgeoise emplie de bibelots fragiles, tableaux et meubles de prix qu'on se prend d'empathie irrémédiablement pour lui. Lui qui craint d'occuper trop d'espace et de commettre quelque maladresse avec sa carrure d'athlète gagnée aux rudes tâches sur les bateaux. Et là, comme une perle fine dans un écrin somptueux, il découvre Ruth, la soeur pâle et merveilleusement belle de son obligée. Comme foudroyé, Martin s'engage à ce moment sur un chemin visant à combler le gouffre qui le sépare de cette créature vénérée.

Comme pour le travail physique, Martin met à s'instruire une volonté et un acharnement qui feraient envie à nombre de professeurs habitués à des étudiants mollassons. J'ai suivi avec passion l'évolution de Martin Eden. Ses nouveaux acquis, ses recherches et ses réflexions qui rapidement dépassent son modèle.
Cet apprentissage marque aussi une frontière avec autrui. Pour la bourgeoisie, il reste un populo de par ses origines. Pour des anciens camarades, il diffère par ses livres et sa quête d'absolue beauté. Martin ouvre les yeux sur sa famille, ses proches, voit l'écart qui se creuse et voit la vulgarité et les bas appétits qu'il rejette désormais. Mais cela ne peut se faire sans souffrance ni questionnement. Les introspections du héros se révèlent souvent troublantes et m'ont souvent ébranlée. Impression que vous me placiez parfois de force un miroir où regarder la vérité en face.

Ainsi est Martin Eden, frère d'âme du Jude de Thomas Hardy. Bien plus que le récit d'une éducation, on rentre dans les profondeurs psychologiques du personnage. Vous avez écrit là un texte extrêmement fort et marquant dont chaque phrase ou presque mériterait d'être reporté pieusement dans un carnet tant vous les avez ciselées avec le talent d'un orfèvre des mots.

Je ne peux que chaudement recommander la lecture de ce magnifique roman où la beauté s'accompagne d'amertume. La dernière partie me poursuivra longtemps et offre matière à réfléchir tant sur vous-même que sur soi et les rapports sociaux en général.
Revenue de mon erreur quant à votre plume, je vais derechef continuer ma découverte de votre oeuvre. Ainsi vous dis-je à bientôt, dans le Grand Nord ou sous les alizées des mers du Sud.
Bien à vous,
Kuroineko
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