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Critique de afriqueah


Le long de son parcours de plusieurs mois au Soudan( l'actuel Mali) puis en Côte d'Ivoire, au Gabon et au Congo, Albert Londres à son arrivée à Dakar ne peut accoster, à cause de la fièvre jaune ; tout le monde prend de la quinine, des mesures sont prises, le confinement dans « une cage » est déclaré, à moins de sortir bottés, « crispins aux gants » et cagoulés. Combien de morts ? La vérité est sous terre, dit Londres, qui nous décrit d'abord le débarquement des colons et leur affectation aléatoire, en plaque tournante.
Ces cages ne servent pas seulement au confinement pour éviter la contagion, il y a des cages, des « boites » partout pour enfermer les quelques travailleurs récalcitrants.
Albert Londres regarde, en journaliste, et décrit un monde surréaliste, où les nègres comme il dit viennent livrer leurs problèmes d'adultère au commandant qui revêt le rôle du juge de paix. Un homme vieux et apparemment riche marié à une jeunesse, le n'amant nu avec juste une ficelle et un peigne en fer dans les cheveux…. Est ce vrai, cet adultère, demande le commandant ? oui, disent la femme et le n'amant, et on est content. le n'amant sera condamné à donner le peigne en fer… et les trois repartent fins copains. Un autre a dû s'absenter 2 ans et il a confié sa femme à son frère….elle a mangé, mais elle n'a pas eu de descendance. Il y a de quoi se plaindre, sûr. Elle ne lui plaisait pas ! le délicat ! Cela lui coutera trois cabris !
Les femmes, dit Londres, valent un peu moins que des vaches, elles s'achètent, s'héritent, se font enlever. Les femmes sont des bêtes de somme, ce sont elles qui portent, qui travaillent et qui encaissent les coups.

Mabanckou et d'autres parlent de brûlot lorsque lorsqu'ils citent le reportage Terre d'ébène qui parut d'abord dans le quotidien le Petit Parisien en 1928, puis une année plus tard sous forme d'ouvrage chez Albin Michel.
Brûlot qui nous brûle à nous en premier, par son regard sur les « nègres « et leur acceptation du pouvoir des Blancs et des chefs.
Les nouveaux « captifs de case »anciens captifs de traite, sont propriété du chef, tout comme les vaches. le chef les abrite, les nourrit, leur donne une femme ou deux, et ils font des petits : « L'esclave ne s'achète plus, il se reproduit. C'est la couveuse à domicile ».
Les africains marchent, « pied-la-route. ».Où vont ils ? Ils marchent, hommes ou femmes, enfants, prisonniers attachés par une corde au cou (et leur gardien marche cinq kilomètres devant !), postiers, plaignants cherchant un papier signé de l'administration, avec tampon. Et, muni du papier, reprenant la route de 300 kilomètres ou plus. Que fera t il de ce papier tamponné ? rien, mais il l'a. La servitude est dans les têtes, l'administration française a mis en place un système surréaliste d'acceptation ancestrale mâtiné de soi disant progrès.

Albert Londres décrit donc cet empire français, qui prélève un impôt sur chaque travailleur au travail forcé, esclaves des temps modernes. le train Océan – Congo doit être construit, pour relier la côte à la capitale Brazzaville, car le fleuve Congo est semé de rapides rendant la navigation impossible. Les belges ont relié déjà la côte à leur capitale Kinshasa, et ils l'ont fait avec des moyens modernes pour l'époque, utilisant les tronçons construits pour acheminer les travailleurs. Côté français, le train Océan –Congo se construit avec des recrutés de force, « le nègre remplaçait la machine, le camion, la grue ; pourquoi pas l'explosif aussi ? »

Entre l'administration coloniale, instituée en 1919, qui protège le nègre mais lui soutire des impôts, et et les colons, hommes d'affaires qui les font travailler sans payer, ô blancs, mes frères ! C'est l'incurie et les mauvais calculs, la décision de ne rien débourser alors que les profits étaient et allaient être certains ( or, coton, bois précieux, café, cacao, caoutchouc, cuivre )qui aboutissent à la mort de milliers de travailleurs, et à la fuite des autres, pour éviter la « machine » mortelle. A la fin du reportage, Londres laisse passer ses sentiments devant ces cadavres ambulants, qui vont mourir dans la forêt. « la désolation de leur état me parut sans nom ». Sans doute 20 000 .

Et il tire la conclusion de son pamphlet persiflant, dérangeant, impertinent, et combien utile, car la France a pris la décision en 1930 d'outiller avec compresseurs, bulldozers et tracteurs, cette construction d'un chemin de fer au lieu d'en rester à un stade moyenâgeux qui lui interdit, au delà des pertes humaines, de développer ses colonies : « Ce n'est pas en cachant ses plaies qu'on les guérit »
« Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».
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