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Critique de Diabolau


Nous sommes quasi en 1930 et Albert Londres visite l'AOF (Sénégal, Côte d'Ivoire, Burkina, Niger...) et l'AEF (Gabon, Congo...) dont il ramènera encore une fois un témoignage accablant sur la gabegie opérée par les colons, sans jamais pour autant remettre en cause le bienfondé de la colonisation, notez-le, mais plutôt la manière dont elle est faite.
J'ai eu un peu de peine à rentrer dedans. Comme souvent dans les reportages de Londres, il y a des faits concrets observés qui sont maintenant bien bien loin de nos réalités modernes, et même bien loin, je pense, des réalités modernes de l'Afrique, et qu'on a bien de la peine à se figurer.
C'est quand il parle des corvées de portage et de la construction meurtrière du chemin de fer du Congo que la triste réalité de l'époque nous explose en pleine figure. L'humaniste Londres appelle le noir "nègre" comme il est de coutume en ce temps-là, mais jamais il ne le considère autrement que comme un être humain à part entière, tout en constatant que l'abolition de l'esclavage n'est qu'officielle et nullement officieuse... On peut même dire que bien des maîtres d'esclaves prenaient un bien plus grand soin de leurs "objets", car ils les payaient et en connaissaient la valeur.
Je le confesse, quelque chose m'a mis mal à l'aise : j'ai pourtant lu pas mal d'ouvrages sur la colonisation, mais jamais encore je n'avais aussi bien "compris" la condescendance des témoins européens de l'époque vis-à-vis des Africains qu'à la lecture de ce livre.
Comment ne pas comprendre la consternation de Londres devant un homme qui vend sa mère contre une vache ou un mouton ? Comment ne pas comprendre son effroi face à certaines coutumes imposées par les sorciers et griots, comme le fait de sacrifier une vierge au Dieu caïman, ou de tuer les domestiques d'un chef décédé pour les enterrer avec lui ? Certes, des civilisations proto européennes comme les vikings ont fait ce genre de chose au moyen-âge et avant, mais c'est tellement loin des us et coutumes de l'homme européen (en tout cas bourgeois, car il faudrait discuter des conséquences de la misère dans les bas-fonds) de ce début du XXe siècle qu'on ne peut que se dire que si l'on avait été à leur place, on aurait été écoeurés comme eux, et on les aurait obligés à cesser ce genre de choses de la même manière.
Finalement, si c'était à refaire, la vraie nécessité n'était-elle pas de ne pas y aller, tout simplement ? Car pour quelques mères vendues, quelques domestiques exécutés, quelques jeunes filles données au caïman, combien de milliers en avons-nous tués au portage et aux travaux forcés sur les routes et les voies ferrées ?
Encore une fois, même à cent ans d'intervalle, les travaux de Londres se révèlent une vraie mine de réflexion a posteriori.
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