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Critique de Osmanthe


Quatrième aventure de l'inspecteur Tian Haifeng…que je m'étais surpris à attendre, sinon avec une certaine impatience, du moins une grande curiosité, moi qui ne suis pas spécialement amateur de romans policiers. Notre homme est une figure du Bureau de sécurité publique de Nanjing (Nankin), mais a la manie de sortir de sa juridiction pour enquêter sur des affaires sortant de l'ordinaire, à Pékin, Qingdao, au Xinjiang chez les Ouïghours…Et c'est encore à un voyage dans la Chine profonde au contact des minorités ethniques qu'il nous invite ici.

Au départ, le fait divers en question nous emmène pourtant dans ce nouveau fleuron de la domination économique chinoise, à Shenzhen, une des plus grandes villes du pays aux portes d'Hong-Kong, qui n'était qu'une bourgade il y a quelques décennies. Haifeng, qui y a pris quelques jours de vacances chez sa soeur avec son fils Wei apprend qu'un jeune moine a été retrouvé mort par arme blanche dans le parc de « La fenêtre du monde », qui reproduit en miniature des monuments célèbres du monde entier. L'affaire ayant été trop vite classée à ses yeux par les enquêteurs locaux, Haifeng y récupère les affaires du moine, dont un kleenex sur lequel est lisible en transparence un mystérieux message, dans un dialecte qui va s'avérer être celui de la minorité Mosuo, qui vit au coeur du Yunnan, situé à des milliers de kilomètres en Chine du sud. Haifeng va tenter de reconstituer sur place l'histoire personnelle du moine dont il ignore le vrai nom, de découvrir le mobile de ce qui est manifestement un assassinat, et, peut-être, l'identité du coupable. Il en profite pour associer à l'enquête son fils, sentant que c'est l'occasion de retisser avec lui un lien affectif quelque peu abîmé. le contact avec les Mosuo, qui forment une société matriarcale, est souvent assez rude, les habitants ne se livrent pas spontanément...Nos enquêteurs vont découvrir que le jour du meurtre, la jolie star de cinéma Lacuo Duma, visage de la Chine urbaine triomphante, mais Mosuo d'origine, était présente à « La fenêtre du monde… ». Se pourrait-il que le jeune moine boiteux s'y soit rendu pour la voir, sachant que bien des hommes la poursuivent de leur assiduité ? Quel lien pourrait-il y avoir entre elle et la victime ? Est-elle pour quelque chose dans ce meurtre, quand Haifeng apprend de la matriarche Zhema que la mère de Lacuo gît au fond du lac au pied de la maison familiale, et que le message inscrit sur le mouchoir du moine semble y faire référence ?

Le message du moine est une nouvelle fois une belle réussite. Les personnages sont typés, l'intrigue est bien construite et d'une complexité modérée (j'apprécie personnellement d'en faire une lecture détente et découverte du pays, sans avoir à me faire d'horribles noeuds dans la tête).

Martin Long est décidément un écrivain passionnant. On s'attache à son personnage de Tian Haifeng, simple, provincial dans l'âme, perspicace mais qui doute et lutte avec ses failles personnelles, de sa capacité à bien gérer son rôle de père au souvenir de la perte tragique de sa femme à la suite de la rupture d'un barrage fluvial, en passant par son ascendance paternelle énigmatique…Avec son teint mat, il se demande s'il n'est pas lui aussi issu des nombreuses minorités qui subissent une forme de ségrégation quand ce n'est pas l'oppression de l'ethnie Han, ultra-majoritaire et qui détient le pouvoir central. Martin Long connaît bien la Chine, et c'est formidablement précieux, tant il nous fait progresser dans un début de compréhension de ce qui se passe, de nos jours, dans la Chine de l'intérieur. Une Chine des campagnes, celle qu'on ne nous montre jamais, qui se méfie, qui se tait ou commence à frémir, mais en tout cas n'en pense pas moins. Il faut le remercier dans la transmission de sa passion pour ce pays, qu'il revendique dans un cri du coeur en fin d'ouvrage : « A la Chine, à ce grand pays et ce peuple que j'aime ; un pays qui, à la fois, me fascine, m'inspire et me chagrine. »

Enfin, la qualité du produit est assez remarquable, avec un papier blanc et épais, une couverture à la ligne constante depuis le premier opus, somptueuse façon velin avec fond rouge, évidemment ! Pour finir, je ne peux m'empêcher de regretter une profusion de coquilles orthographiques, qui curieusement se concentrent essentiellement dans les 50 premières pages, rien moins qu'une dizaine. A se demander si les correcteurs n'ont pas commencé leur travail à la suite…

Plus que jamais, je remercie babelio et l'éditeur In Octavo, qui m'ont permis jusqu'ici de recevoir successivement depuis leur publication à partir de 2018 les quatre volets de la série à l'occasion d'opérations masse critique.
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