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Critique de tamara29


Je remercie Babelio et les éditions Flammarion pour la lecture de « Vends maison de famille » de François-Guillaume Lorrain.
Famille je t'aime. Famille je te hais. On connaît tous cette rengaine.
Dans ce jeu des 7 familles, il y a le père, dur, froid, intransigeant, avec une seule passion le jardinage, les plantes et leur culture, au point d'obliger les membres de sa famille à l'aider dans son activité virant à l'obsession. Il y a la mère qui suit, sans trop rien dire. Et enfin, il y a les deux enfants, Estelle et Guillaume qui, à l'âge adulte, quitteront vite le « cocon » ( ?) familial pour fuir à l'étranger. Elle, très loin, en Chine ; lui dans des pays européens en tant que professeur de français, ayant la bougeotte, forcément. Ce fils, le narrateur, se réfugiera dans les livres, choisira un métier plus intellectuel, à l'opposé des travaux manuels, loin des mains vertes. Parce qu'il faut fuir ce jardin, cette maison de campagne en Normandie qui ressemble plus à une caserne militaire qu'à une belle ferme pour des week-ends au vert.
Fuir la famille ou ce semblant de famille. Pour ne pas reproduire, pour oublier, pour ne plus vivre ces heures passées dans le jardin, forcés à cercler, bêcher, cultiver jusqu'à épuisement, forcés à manger jusqu'à l'écoeurement le fruit de leur récolte, sous les ordres du père tyrannique. Aveuglé par sa passion de plus en plus monomaniaque, ce père est bien incapable de parler d'autres choses, incapable de créer du lien autrement avec ses enfants. (Bref, il est loin de ressembler à Nicolas le jardinier). D'ailleurs, à force, il finit par désunir, faire éclater la cellule familiale.
Le jardin était beau, grandiose, prolifique, mais à côté, les enfants manquaient de soleil, d'oxygène et de liberté. Et peut-être aussi d'amour, de cette attention que le père ne savait donner qu'à son jardin.
A la mort du père, c'est comme une délivrance, la possibilité d'oublier un peu plus cette maison de campagne aux si mauvaises photos souvenir. Mais quelques années plus tard, par la chute accidentelle de la mère âgée (celle qui étonnamment a repris la suite horticole, mais avec plus de délicatesse), la question de la vente de la maison ressurgit pour le fils comme un acte nécessaire. Mais avec, tous les souvenirs remontent à la surface. On ne peut pas toujours fuir le passé, ou faire comme s'il n'avait jamais existé.
Avec une écriture agréable, agrémentée d'humour et d'émotions, ce jeune auteur nous décrit (au point où on cherche le vrai du romancé), une famille comme on en connaît beaucoup. Comme au poker, c'est fonction des cartes qu'on tire et on tombe sur une famille avec des problèmes à degrés divers : les manques de communication, les silences, les rancoeurs, les rancunes, et j'en passe...
On pense à la nôtre forcément. Comparable à l'arrosage, l'engrais plus ou moins de bonne qualité et tous les soins prodigués qui ont fait pousser ces arbres et ces légumes du potager, on pense à ce que l'éducation familiale a fait de nous, comment on grandit comme ces plantes vertes, pas forcément bien droit, comment on avance cahin-caha dans la vie, traînant avec nous les blessures de l'enfance, les souffrances du passé, tels des boulets parfois trop lourds à tirer. Malgré l'envie d'oublier certaines périodes, on en garde les traces, les cicatrices, plus ou moins consciemment, dans le sang ou à même la peau.
Forcément, Guillaume ne peut oublier comme ça toute son éducation ni toute la connaissance qu'on lui a inculquée sur les plantes et la botanique, ça fait partie de lui. C'est dans son ADN familial. Même s'il le rejette, même si ça le rend amer, tout n'est pas à jeter au compost ou à brûler comme un tas de feuilles mortes en automne et on est, d'ailleurs, bien incapable de le faire dans sa totalité. Il n'est guère si facile de savoir séparer le bon grain de l'ivraie. Et c'est bien là la complexité des sentiments et des liens.
Famille je vous hais. Famille je t'aime.
Ça me rappelle que moi, il faudrait que j'appelle ce week-end pour prendre de ses nouvelles.
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