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Critique de DonaSwann


Djénane, Mélek et Zeyneb sont de jeunes Turques de la bonne société du début du XXème siècle à Stamboul. Cela signifie qu'elles ont eu un haut degré d'instruction, très tourné vers l'Occident, qu'on a aiguisé leur finesse intellectuelle, encouragé leurs talents de musiciennes (y compris et surtout sur un instrument occidental comme le piano). Elles se définissent "comme de petites poupées" qui flattaient l'orgueil de leur père, tout cela pour finir par les jeter dans un mariage arrangé. Cloîtrées dans le harem marital, elles furent soudain priées d'oublier tout ce qui avait été leurs centres d'intérêt jusque-là. Peu avant son mariage, Djénane écrit à André Lhéry (clone de Pierre Loti) pour le prendre à témoin de sa situation et lui confier les secrets de sa vie. Ses cousines Mélek et Zeyneb écriront également dans la même lettre leur ressenti. A peine mariées ou fiancées, le but de leur vie devient le divorce, le célibat, la solitude, seuls états où elles pourraient vivre pleinement leurs goûts et leurs dons, dans les limites de la bienséance musulmane, bien entendu.

Lhéry revient en Turquie où il a un poste diplomatique et les quatre amis courront des risques invraisemblables pour se rencontrer en secret ; ils décideront qu'André écrira sur la situation des femmes turques dans leur position pour alerter l'opinion sur l'injustice qui leur est faite.

C'est un très beau roman qui a eu un grand succès au moment de sa sortie et je devine bien pourquoi. Outre des personnages féminins très attachants, à la fois forts, doux et pathétiques, l'exotisme éblouit de page en page, spécialement dans les passages descriptifs, ceux des promenades en caïque sur le Bosphore, par exemple. Malheureusement, vers la fin, les mêmes recettes, répétées sans qu'il y ait d'intérêt narratif à cela, finissent par lasser et je me suis surprise à sauter des paragraphes qui me donnaient par trop l'impression de déjà-lu.

Un Occidental parlant de l'Orient, notamment des coutumes des harems... je craignais le pire ! "Tintin à Istamboul"... un truc dans le genre (je n'ai jamais lu de Loti auparavant). En réalité, en dehors de diatribes répétées et xénophobes contre les Levantin(e)s et les Pérotes, coupables de vulgarité, j'ai trouvé Loti extrêmement ouvert, sincèrement amoureux du peuple turc (et pas seulement de ses belles odalisques, qui n'en sont que des émanations). Il s'y montre défenseur de l'islam et de l'esprit des commandements du Prophète : au sujet des femmes, il n'aurait jamais souhaité leur oppression, mais seulement leur protection ; les siècles en décidèrent autrement. Difficile en revanche de voir du féminisme dans cette dénonciation de l'incarcération des femmes : il répète trop que c'est inhumain dans la mesure où il s'agit de femmes intelligentes et éduquées et que cela aurait sans doute été plus facile à vivre si ses amies ne l'avaient pas été... de là à dire que le malheur des femmes vient de l'instruction, il laisse l'espace d'un pas aisé à franchir pour les ennemis de l'émancipation des femmes.

On sourit de l'identification Lhéry/Loti, homme vieillissant, s'offrant dans une idylle épistolaire avec une jeune et ravissante jeune femme la réparation de ses émotions de jeunesse... Mais je ne souris sans doute qu'à cause de la cruauté de celle qui n'y est pas encore... Sans doute est-ce plutôt émouvant.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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