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Critique de Matho


Matho
18 février 2020
Déclaration d'intérêts : lu dans le cadre de l'opération Masse critique de Babélio.

Allia est Française, major de Polytechnique et d'origine maghrébine (kabyle), avec un quart de sang juif (la mère de son père, tombée amoureuse d'un messager du FLN mort lors de la manifestation du 17 octobre 1961).
Allia est de retour des États-Unis où elle avait fui après la mort de sa fille de cinq ans et le naufrage de son couple avec Mehdi, médecin, devenu entre-temps maire de la Brèche, village de deux mille habitants dans l'Allier, où a grandi son épouse et où elle revient dix ans après son départ : c'est là que se déroule l'essentiel des péripéties.
L'histoire est racontée à la troisième personne (de l'indicatif présent) mais du point de vue d'Ali, ancien condisciple d'Allia en hypokhâgne et amoureux d'elle depuis le premier instant. Il est devenu cuisinier (gastronomique), mais ça ne marche pas fort pour lui.
Si j'ajoute Kader, lui aussi ancien condisciple, viré de sa prépa HEC sans que cela ne l'ait empêché de devenir milliardaire, Nesrine, la petite soeur de Mehdi, toujours dans la provocation, et Rachid, le père humaniste d'Allia, j'ai mentionné les personnages principaux.

Allia a développé une nouvelle technique de codage, qui permet de diffuser un flux en direct sur internet, sans qu'il soit possible de l'enregistrer : aucun archivage possible, et aucune manipulation. L'image diffusée par 404 (nom trouvé par Kader, qui apporte des financements) est nécessairement authentique, à même de contrer les vidéos truquées à s'y méprendre, qui pullulent dans le roman et que l'auteur appelle les mirages.
Les premières pages du livre, consacrées à des mirages (ou pas) impliquant la nouvelle présidente de la République, laissent croire à un roman sur la technologie et l'influence des réseaux sociaux sur la démocratie, sujet éminemment d'actualité. En fait, ce thème est bientôt supplanté par celui de l'intégration en France des Maghrébins (dans le roman on dit les Arabes), et c'est bien ce thème qui est mis en exergue par la quatrième de couverture.
En ce sens, nous sommes en présence, sinon d'un roman à thèse, du moins à idées, et c'est plutôt réussi : les principaux personnages sont assez incarnés pour n'être pas les simples faire-valoir des idées que Sabri Louatah met en scène, sauf peut-être celui d'Ali qui a une simple fonction de miroir et qui est le seul à ne pas chercher à influer sur le cours des événements.
L'intrigue est prenante, malgré le virage signalé plus haut, et qui pouvait faire craindre que le roman ne se disperse et ne traite pas à fond ses deux sujets. De fait la fin du roman, assez abrupte, laisse un goût de trop peu.
Le livre est pessimiste, tant sur le rôle néfaste que les mirages peuvent jouer dans une démocratie, que sur l'intégration de la quatrième génération des Arabes de France. On notera aussi quelques allusions au changement climatique, qui participent du réalisme du récit.
404 (le roman) est une tentative intéressante de (re)lancer la littérature dans le débat d'idées, sans renier la part de romanesque.

En conclusion, et puisque l'éditeur m'écrit poliment qu'il attend ma chronique, je me permets quelques remarques qui pourront être utiles lors de la réédition en poche :
P.104 : "(...) son mari, passé par le Conseil d'Etat, dirigeait le cabinet du nouveau président du CSA (...) Fort de sa production récente (...)" : il ne peut s'agir que de sa PROMOTION récente.
P. 133 : Rachid a terminé sa carrière comme dernier proviseur du collège de la Brèche : en fait un proviseur dirige un lycée, un collège est dirigé par un principal.
P. 180 il est question du bureau de la préfète : dans le jargon administratif, on parle de cabinet de la préfète.
P. 248 et suivantes on mentionne des listes pour les élections législatives. Cependant, dans un scrutin uninominal à deux tours, il n'y a pas de listes.
P. 323 : "Un bureau sur deux dispose d'une cheminée décorative surmontée d'un miroir. Tous ont leur porte ouverte et des ordinateurs bloqués sur des logiciels de traitement de texte. Ils parlent parfois dans leurs AirPods, tripotent souvent des boules antistress" : il y a un problème avec le sujet "Ils", qui ne peut pas désigner les bureaux.
Autre remarque, moins vénielle : p. 219 et suivantes, "Ali assiste à la plus étrange des scènes sur 404" : sauf qu'il est devenu modérateur et qu'il devrait couper la diffusion dès qu'il comprend ce qu'il se passe.

Enfin je remercie l'éditeur Flammarion/Versilio et Babélio de m'avoir offert ce roman.
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