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Critique de lecturesdudimanche


Voici enfin venu le temps de vous parler de ce roman fascinant ! Ce ne sera pas un exercice facile, d'une part parce que beaucoup de choses ont déjà été dites, ensuite parce que j'ai un peu peur d'être fade, de ne pas vous faire ressentir dans ce retour la puissance à laquelle j'ai goûté pendant ma lecture…

Tout commence dans un futur qui nous paraît aussi lointain qu'il est proche… 2224, soit deux cents ans plus tard que ce monde dans lequel nous vivons. On peut espérer qu'en deux siècles, nous (l'humain, mais en particulier les femmes) aurons avancé dans nos combats les plus nobles. Force est pourtant de constater que dans ce futur-là, la femme est plus que jamais une denrée périssable… La Terre a connu un « Grand Effondrement ». Depuis, ce qu'il reste de civilisations vit en petites communautés, selon des règles strictes et nobles : économiser les ressources, s'adapter… et mettre la communauté au centre de tout. On se croirait littéralement dans le joli monde aseptisé du Lieutenant Lenina Huxley, dans le film « Demolition Man », où tout le monde se salue d'un « Paix et félicité ! ». Sur le papier, le monde est idyllique : chacun est à sa place, tout le monde est une petite pierre à apporter à l'édifice d'une vie sereine pour chacun. Et dans cet équilibre parfait, il est acquis qu'à l'âge de cinquante ans, les femmes n'ont plus de rôle à jouer. Elles ne sont plus fertiles, à cet âge, alors elles prennent leur petite valise, mettent un tailleur chic, font de grands signes à tout le monde et disparaissent, emmenée vers un ailleurs merveilleux où elles vont enfin pouvoir se reposer. Elles sont « retirées », tandis que leurs maris sont « réattribués » (entendez : remis sur le marché afin de trouver une nouvelle jeune femme en pleine possession de ses facultés de reproduction pour aider la planète à se repeupler et, accessoirement, reprendre le service de la retirée au sein de la famille). Rien que ça. Vieillir auprès des siens est un luxe qui n'est accordé qu'aux hommes. Mais pour faire passer la pilule, les « retirées » ont droit à la totale : fiesta de départ, cérémonie, messages d'adieux pour les proches… Mais personne ne sait ce qu'il advient des retirées. Voilà pourquoi le lecteur est tellement intéressé par l'histoire de Rachel, pour qui l'heure a sonné… Avec ses amies, elle prépare son départ vers les mythiques Hautes-Plaines, où sont envoyées les retirées… Bien sûr, un petit monde serein et maitrisé, ça passe par une petite astuce technologique : le BMH, pour Bracelet Modérateur d'Humeur… Un truc de dingue, ce gadget ! Installé à l'adolescence, il permet aux humains un contrôle permanent de leurs émotions… Je dois admettre que face à ma charge mentale, je ne serais pas contre une petite dose de zénitude en intraveineuse de temps à autre ! Mais peut-on vraiment vivre dans un monde où même les émotions sont sous contrôle ?

L'auteur nous livre un récit acidulé, coloré comme la couverture, mais où cependant, les nuages menacent. Dans ce monde bien rodé, un événement de taille vient perturber la communauté, mais rien que Maya, l'intelligence artificielle qui régit la vie de ce petit monde, ne puisse expliquer. Maya, elle sait tout, elle est bienveillante, elle joue tous les rôles. On s'adresse à elle comme à une amie. Entre elle et le BMH, que pourrait-il bien arriver de grave ? Il n'y a, dans ce joli monde, plus d'agressivité ni de méchanceté, plus de gaspillage, il ne reste que des gens bien intentionnés au service de la Terre et de l'Humanité !

Avec ce récit, l'auteure nous prouve que la violence peut se cacher dans les plus jolies phrases. Avec ce monde en apparence parfait, elle glace le sang. Dans ce récit dense, elle évoque l'avenir de l'humanité en s'appuyant sur bon nombre de choses déjà existantes, elle pousse les curseurs de la réflexion, réveille les consciences. Tout en proposant un futur crédible, une approche visionnaire du monde qui nous attend, mais qui pousse à hurler au monde qui est le nôtre de cesser de dériver tant qu'il en est encore temps… S'il en est encore temps ?

Je ne me suis jamais senti l'âme d'une féministe. Et pourtant. Pourtant, chaque jour un peu plus, je comprends qu'il est temps de réagir, je comprends que les phrases comme « on n'avait pas le choix » sont des excuses bien rodées. Contre les femmes, contre l'environnement… Si, on l'a, le choix. Celui de décider de s'unir pour faire changer le monde. Malheureusement, je crois qu'espérer cette prise de conscience collective est aussi utopique que cet excellent roman de Sophie Loubière que je vous recommande chaleureusement !

Lien : https://lecturesdudimanche.c..
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