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EAN : 9782714499806
528 pages
Belfond (01/02/2024)
4.13/5   198 notes
Résumé :
Convoquant tout autant le roman d'anticipation que la littérature de suspense, Sophie Loubière nous offre une plongée fascinante et terrifiante dans un monde rétrofuturiste visionnaire. Une œuvre totale par une grande voix du roman noir français.

La femme, un produit sans grand avenir ?

2224. Depuis le Grand Effondrement de la civilisation fossile et les crises qui ont suivi, l'humanité s'est adaptée. Économiser les ressources, se proté... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (76) Voir plus Ajouter une critique
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Comment vais-je pouvoir exprimer tout le bien que je pense de ce roman ?

D'abord, s'il se passe dans le futur, notre monde actuel y est bien présent, ne serait-ce que par l'héritage lourd de nos aberrations de consommation, par la pollution qui semble pérenne deux cent ans après le Grand effondrement de 2050. Des données que nous connaissons très bien, mais qui semblent si difficiles à prendre en compte.

Parmi les conséquences de notre inconséquence, la diminution massive de la natalité et un excès de naissances féminines, en lien avec les perturbateurs endocriniens. La Gouvernance tente de compenser ce déséquilibre en imposant aux femmes « périmées » pour la reproduction, un exil vers des contrées inconnues qu'on leur vend comme un paradis ! le but étant de ne pas nourrir des bouches inutiles...
Cela en dit long sur le statut des femmes qui ne semble pas avec le temps et les leçons du passé s'améliorer.

Mais ce roman n'est pas un simple support à une thèse féministe de plus.

Nous sommes dansun univers dirigé par une instance qui sait cacher son jeu, ce qui lui permet de contrôler dans ses moindres émotions chaque être humain. Un monde aseptisé où la violence semble avoir disparu, où l'on enseigne l'empathie dès le plus jeune âge, où les armes n'existent pas …

Pourtant dans ce monde idéal, pas de repos pour le lecteur qui se retrouve avec deux énigmes à élucider !

C'est donc un tourne-page qui nous fait osciller entre le désir d'en savoir plus et le souhait de rester le plus longtemps possible en compagnie de ces personnages si intéressants.

Merci aux éditions Belfond et à Netgalley.

528 pages Belfond 1er février
#SophieLoubière #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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La cinquantaine comme point final de l'existence ? Les femmes obsolètes à partir d'un certain âge ? C'est sur ce principe pour le moins choquant et clivant que s'ouvre le dernier roman de Sophie Loubière, Obsolète. Arrivées à un certain âge, les femmes sont convoquées au Grand Recyclage. Les voilà parties pour une vie loin de la société, pour un avenir dont on ne sait rien. Des rumeurs courent, mais rien de certain : un paradis où elles peuvent se détendre sans plus de responsabilité ? Ou, au contraire, la mort comme dans Soleil vert ? Pendant ce temps, les hommes, moins nombreux sur la planète, sont censés reprendre une compagne afin de fabriquer de nouveaux enfants. Car la population est en baisse, suite aux nombreuses malformations génétiques et aux cas de stérilité.

Malgré quelques réfractaires accrochés à leurs certitudes envers et contre tout, la plupart des gens ont pris conscience des bouleversements climatiques qui agitent notre planète et vont l'agiter pour les années à venir. Les écrivains se sont bien évidemment emparés du sujet et les ouvrages fleurissent qui mettent en scène notre monde après le passage de la catastrophe. Par exemple, Li-Cam, dans Visite, imaginait une société qui vivait dans le respect de la nature parce qu'elle n'avait pas le choix. La récup était obligatoire et le travail solidaire et communautaire la norme. On retrouve ces principes dans le roman de Sophie Loubière. Cette autrice a imaginé un monde extrêmement réfléchi. Un vrai catalogue de pistes possibles pour notre avenir. Depuis la forme des maisons (courbes pour résister aux vents de plus en plus puissants) jusqu'au choix des plantes (résistantes à la chaleur et couvrante pour protéger les humains des rayons de l'astre brûlant) ; de la nécessité de se répartir les tâches du quotidien à la maison comme dans le village à l'obligation de recycler, de réparer (y compris les humains, semble-t-il, mais cela reste à découvrir au fur et à mesure de l'avancée du roman).

D'ailleurs, autant crever de suite l'abcès : c'est ce côté catalogue qui m'a le plus gêné à la lecture d'Obsolète. Étant un lecteur de SF, je connaissais pas mal des idées évoquées, des solutions proposées. Souvent, donc, je ne les découvrais pas. Aussi, le temps que l'autrice a pris à les exposer, les détailler, de façon très encyclopédique, m'a lassé un peu. Surtout qu'elle l'a fait de façon assez systématique, au début des chapitres, à travers les mots de sa personnage principale. Cela me fait penser (comme la publication dans une collection non spécialisée en SF) que cet ouvrage est destiné avant tout à des lecteurices non habitués au genre. Qui ont donc besoin qu'on leur explique de manière détaillée les tenants et les aboutissants d'un tel état de fait.

Malgré cette réserve, la richesse de la réflexion de Sophie Loubière m'a convaincu. On sent qu'elle a fait des recherches et qu'elle a tenté d'imaginer une Terre en 2224 réaliste. Et je pense qu'elle y a pleinement réussi. Bien sûr, on peut choisir la voie apocalyptique, dans laquelle l'humanité n'a pas su construire des solutions viables face aux changements brutaux. Mais on peut aussi, comme elle, comme aussi Émilie Querbalec (Les Sentiers de Recouvrance), Li-Cam donc (Visite) ou Elisa Beiram (Le Premier jour de paix), imaginer des visions plus positives. Où, malgré le choc, l'effondrement des nos sociétés, la chute de nos civilisations face au choc des forces naturelles, les êtres humains ont su remonter la pente et tenir compte de nos erreurs. Bien sûr, cela impose de glisser sur la terreur induite par la chute, sur les millions de morts que l'autrice évoque rapidement.

Autre point très fréquent dans la littérature de genre actuellement (et dans la vie de tous les jours, en tout cas, si l'on écoute, lit les médias), l'avènement de l'I.A. Comme d'autres auteurs français récemment (Christopher Bouix dans Alfie ou Pierre Raufast dans La Tragédie de l'Orque et dans le Système de la Tortue), Sophie Loubière a choisi de la localiser dans une boite, comme les Alexa et autres « assistants numériques ». On y retrouve cette boite qui répond à toutes les questions. Y compris celles des enfants, le soir, dans leur chambre. Questions qui semblent naïves mais sont existentielles et leur permettent de se créer une représentation du monde, puisque les réponse remplacent ou complètent celles que fournissent les parents. D'où son importance capitale, malgré son côté discret et fondu dans le décor.

Enfin, la place de la femme est évidemment interrogée dans ce roman. Tout tourne autour de leur future disparition de la société. Dès leurs premières minutes, les jeunes filles sont conditionnées à accepter ce sacrifice. Dès les premières heures, on leur apprend à rester à leur place. À vivre pleinement, certes, mais en sachant qu'elles ont une date de péremption, une limite fixée d'avance. Cela interroge nécessairement. Certes, la Terre compte davantage de femmes que d'hommes. Mais cette mesure est-elle réellement nécessaire ? Et s'il faut faire quelque chose, ce choix est-il le bon ? Car il est prodigieusement inhumain et injuste. Tant pour les femmes qui disparaissent (on sait ce qu'elles deviennent en fin de roman, rassurez-vous) que pour les hommes qui doivent oublier une longue vie commune pour en créer, sur injonction, une nouvelle (vous me direz, certains ne se gênent pas de nos jours pour le faire sans en recevoir l'ordre, abandonnant épouse et enfants au profit d'une jeune conquête…). Obsolète pose la question, offre des éléments de réponse. Mais c'est à nous, lecteurices, de faire nos propres choix. D'imaginer ce qui serait le mieux. Et c'est ce que j'ai apprécié dans ce roman.

Obsolète est un récit d'une grande richesse, un peu comme une grande synthèse de là où nous en sommes dans notre projection vers l'avenir. Vers ce que nous pourrons faire dans ce monde qui se réchauffe, où les évènements climatiques violents se multiplient et où, pour l'instant, on regarde ailleurs en espérant que cela s'arrange tout seul ou qu'un génie trouve une solution technologique miracle (compréhensible, mais déprimant). Dans ce texte où la météo est, comme chez les Romantiques du XIXe, en accord avec les sentiments des personnages, l'humanité se débat avec constance contre l'extinction. Les questions se multiplient, des réponses sont apportées, d'autres sont en devenir. Une lecture importante en ce début d'année.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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Dans une société actuelle conformiste, où éditeurs et auteurs ont de plus en plus tendance à rester dans leur même moule, qu'il est plaisant de voir une autrice reconnue sortir du cadre. Sophie Loubière n'est pas du genre à simplement répéter ses gammes, Obsolète en est une preuve éclatante.

Elle qui a fait une bonne partie de sa carrière dans le roman noir s'essaye à l'anticipation. Un genre différent, certes, mais toujours avec le talent et l'exigence qu'on lui connaît.

L'étonnement premier passé, on est vite happé par ce nouvel environnement. Si loin, si proche. Deux cent ans en avant, en 2224, à la découverte d'un monde qui se reconstruit.

Le Grand Effondrement de la civilisation fossile est passé par là, l'humanité a failli disparaître, avant de se stabiliser, bien loin des milliards d'humains actuels.

Vous vous dites d'emblée : ces histoires ont été racontées déjà maintes et maintes fois, à décrire un monde post-apocalyptique. Détrompez-vous. Non seulement l'autrice n'est pas tombée dans la facilité, mais elle a pensé et construit son univers dystopique sans jamais tomber dans les excès et la caricature, sans surjouer le catastrophisme à tout-va.

Ce monde d'après fait suite à nombre de douleurs. Mais il semble serein et stabilisé après les catastrophes. Empli d'espoir, du moins en apparence.

Des sociétés revenues à l'essentiel, proches d'une nature indomptable mais à laquelle il est possible de s'adapter. Des femmes et des hommes accordés à un monde de pénuries, revenus de l'hyper-consommation, détournés des gaspillages et de la dilapidation des ressources.

Un futur adaptatif qui semble serein, sans crime, sans violence. Avec une particularité cependant : le Grand Recyclage. Qui concerne chaque femme à l'arrivée de la cinquantaine.

De manière totalement intégrée dans les esprits, dans les règles de vie, toutes ces femmes partent de leurs foyers, envoyées vers d'autres cieux, dans le calme et l'acceptation.

L'objectif ? Repeupler cette terre pour enrayer l'extinction, ce monde où donner naissance est une complication, surtout à des enfants viables ou non déficients. Des hommes potentiellement encore fertiles qui se remettent en couple avec une femme plus jeune, pour le bien du genre humain. Avec cette idée de recyclage présentée comme un réel privilège.

N'imaginez pas comprendre d'entrée vers quoi l'écrivaine va tendre, ce serait faire injure à ses prétentions. Elle ne nous joue pas un banal remake de Soleil vert.

C'est un récit engagé pour les femmes, mais pas d'un féminisme à deux balles, d'ailleurs les personnages masculins y ont aussi une place de choix. C'est une vision lucide, mais pas un pamphlet écolo déconnecté des humains.

Au XXIIIe siècle, hommes et femmes portent un bracelet implanté très jeune, qui sert à réguler stress et autres émotions fortes. Gage d'une vie quotidienne sereine et sans tension, au risque d'affadir les traits de caractère.

Dans ce monde où tout se recycle, où il est commun d'utiliser encore des appareils antédiluviens, y compris électroniques. C'est autant un principe de vie qu'une nécessité.

Quelle richesse, quel travail, quelle merveille de texte ! Mon enthousiasme pour cette lecture est une bénédiction, tant j'ai été emporté et subjugué par le talent, l'inventivité de ce roman. Touché par la finesse et l'intelligence, transporté par les émotions. Obsolète est un bijou d'une belle profondeur, écrit et raconté avec une subtilité rare, pour bien tenir compte de la fragilité du quotidien.

Un livre différent, pour lequel il ne faut pas s'arrêter à son côté futuriste, se dire qu'il n'est pas fait pour soi. Au contraire, ce splendide et dense roman est matière à réflexions autant qu'une fiction emballante.

Avec une pointe de roman noir, puisqu'il est également question de la mort suspecte de trois enfants. Dans ce monde qui semble paisible mais aussi aseptique, et par certains côtés stérile, c'est un bouleversement inexplicable.

J'ai été fasciné par le travail réalisé par Sophie Loubière pour rendre ce futur crédible. L'autrice a toujours été une bosseuse forcenée, mais ici tout prend une dimension incroyable, chaque détail, chaque concept étant réfléchi et bien intégré dans un roman de 530 pages, varié et surprenant de bout en bout.

J'ai lu nombre de romans d'anticipation, la qualité de celui-ci est à saluer et le fait clairement sortir du lot. Dans une ambiance plutôt rétrofuturiste, franchement bien vue et bien imaginée.

Il ne faut pas s'attendre à un rythme effréné, ce n'est pas le style de ce récit. le roman prend le temps de développer des personnages d'une belle épaisseur, et une intrigue aussi subtile que sensible. Pour nous faire réfléchir sur le monde d'aujourd'hui, ses excès comme la manière dont la ménopause est encore vue comme une mort sociale. Et il est même question d'histoires d'amour.

Mais ce monde imaginé n'est pas si lisse, si tolérant, une sorte d'eusocialité larvée.

Le talent de l'écrivaine éclabousse chaque ligne, éblouie chaque paragraphe, d'une écriture aussi soignée qu'expressive. Où elle s'amuse avec les styles, utilise différentes plumes selon les passages, les personnages ou les idées développées. C'est aussi ludique qu'incroyablement fécond.

Quant à savoir ce que deviennent les femmes mûres lorsqu'elles quittent leurs foyers, la surprise sera de mise, croyez-moi.

Dans ce monde de demain où tout se recycle, Obsolète arrive à proposer du neuf. Sophie Loubière ne fait jamais les choses à moitié, et sa dystopie est un miracle, le genre de texte visionnaire, d'une beauté et d'une profondeur qu'on ne rencontre que peu. de quoi marquer le gros lecteur que je suis, de manière indélébile.
Lien : https://gruznamur.com/2024/0..
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À 50 ans, si tu es une femme, que tu aies une Rolex au poignet ou pas, tu es quand même has been, retirée de ton foyer et envoyée au Domaine des Hautes-Plaines, pour y mener une vie tranquille. C'est le grand recyclage, la retraite à 50 ballais, en fait. Fuck la réforme des retraites !

Nous sommes en 2224, au cap Gris-Nez, dans un monde post-apocalypse, dans une dystopie qui met en scène une petite société d'humains qui se sont adapté à leur nouvel environnement, dans des sociétés avec moins de dépenses énergétiques, plus écologiques, sans violences (fini les meurtres, les vols, les viols,…), avec de l'empathie pour les autres, sans homophobie, sans racisme, sans religions…

Purée, mais c'est le pied, cette société ! Je signe où ? On pourrait l'avoir en 2024 et ne pas attendre 200 ans ??

Ah oui, mais il y a un mais… Un gros MAIS ! Les émotions des gens sont régulées, contrôlées… Alors oui, c'est facile d'endiguer les crimes et autres saloperies. Et puis, comme la fertilité a diminué et que les femmes sont plus nombreuses que les hommes (pauvres choux, va), elles doivent se retirer du jeu, à 50 ans et leurs époux (ou leurs compagnes, pour les couples lesbiens) est prié de reprendre une autre femelle et de refaire des enfants. Repeuplement démographique, en fait !

Oups, ça sent déjà moins bon, vous ne trouvez pas ? Et c'est là que réside toute la puissance de cette dystopie, car l'autrice, au lieu de nous plonger dans une société totalitariste et horrible, version "Servante écarlate" ou "1984", nous amène dans une société qui ressemble à un cocon, à un modèle parfait, à une société dans laquelle il fait bon vivre, loin du métro-boulot-dodo, en harmonie avec la Nature (qui a morflé).

Ce qui fout la trouille, dans cette dystopie, c'est lorsque l'on comprend ce qu'il pourrait y avoir derrière l'envers du décor (et on ne met pas 200 pages à capter qu'il doit y avoir une couille dans le pâté). Mais pour tout savoir, il faudra attendre le chapitre concerné et l'autrice vous donnera les détails au fur et à mesure… Glaçant et troublant, notamment avec les sempiternelles excuses du "nous n'avions pas le choix".

D'ailleurs, une scène m'a fait penser à celles de l'arrivée des Juifs et autres prisonniers, dans les camps de concentration… Et pourtant, je vous assure que la scène était joyeuse, dans ce roman ! Mais elle m'a fait l'effet d'une douche glacée. le talent de l'autrice était là aussi.

Mais avant d'arriver à l'épisode du grand recyclage, nous aurons à résoudre la mort mystérieuse de trois habitants du village et il faudra de la persévérance à certains pour mener l'enquête, sans se faire remarquer, puisque l'on a dit que c'était un tragique accident.

Deux arcs narratifs, donc, dans ce pavé de 500 pages : enquêter sur des morts mystérieuses, découvrir le/la/les coupables et se préparer au départ de certaines femmes pour le grand recyclage et à la vie d'après. Dire que personne ne se révolte…

Le côté polar est un peu léger, car ce n'est pas le plus important, mais ce qui arrivera lors des conclusions de celui qui a mené l'enquête et qui tentera de faire comprendre aux autres leurs erreurs, qui ont mené à cette folie ! Et là, c'était brillant, une fois de plus.

Si au départ, j'ai eu un peu de mal en commençant la lecture de cette dystopie, je me suis faite happer ensuite et même si je n'ai pas ressenti de véritable empathie pour les différents personnages, j'ai grandement apprécié ce récit d'anticipation, de ce post Grand Effondrement et cette société que l'autrice a mise en place, qui semble être un havre de paix, mais qui cache des trucs pas nets et qui nous renvoie vers nos sociétés à nous, notamment dans certains de nos travers, telle la surconsommation…

Une dystopie à découvrir absolument !


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La côte d'Opale en 2224. Face au déclin de la population suite au Grand Effondrement, la Gouvernance territoriale a décidé le Grand Recyclage des femmes à 50 ans de telle façon que leur mari soit Réattribué à une femme plus jeune qui soit en mesure de lui donner d'autres enfants. On ne sait pas ce que deviennent les Retirées car aucune n'est revenue pour raconter. Afin que la société vive en harmonie, que les émotions ne prennent pas le dessus et conduisent au chaos, chacun porte un BMH (bracelet modérateur d'humeur) qui les régule. Mais dans ce monde hyper-contrôlé, où chacun est fliqué en permanence, trois petites filles de 7-8 ans sont retrouvées mortes étranglées.
Ayant déjà lu trois romans noirs, que j'avais appréciés, de Sophie Loubière, mais n'étant pas friande de dystopie ou d'anticipation, j'ai longuement hésité à me plonger dans "Obsolète" et je ne le regrette absolument pas.
L'auteure innove totalement par rapport à ce qu'elle a déjà écrit avec ce livre qui est à la fois un polar, un roman d'anticipation et un féministe.
Le monde qu'elle décrit n'est pas une dystopie complètement déjantée, sortie d'une imagination très fertile, mais une projection cataclysmique mais vraisemblable de ce que nous vivons actuellement : place de plus en plus importante donnée à l'intelligence artificielle, ressources naturelles insuffisantes, températures extérieures caniculaires, baisse de la fertilité, submersion de territoires entiers..... Cela fait froid dans le dos, car on se dit que ce qu'elle invente comme le bracelet régulateur d'humeur, l'obsolescence d'une partie de la population, Big Brother is watching you...pourraient devenir une réalité.
Dans ce monde de 2224, nous suivons des personnages comme vous et moi dont, entre autres, Rachel, à qui il ne reste que 28 jours avant d'être Retirée. le texte alterne la description de la communauté qu'elle va quitter et son enfance, ses sentiments, ce qu'elle pense de sa vie à la première personne . Ce roman pose bien sûr la question de la place des femmes dans la société du futur mais surtout dans la nôtre, le Grand Recyclage pouvant être vu comme la métaphore de la ménopause qui invisibilise et désocialise les femmes qui ne peuvent plus procréer, partant du postulat, que bien sûr, je rejette, que la procréation est le rôle essentiel qu'inconsciemment on attribue aux femmes et qu'elles-mêmes s'attribuent parfois, se sentant inutiles après 50 ans. Il fictionnalise une réalité dans certains pays où le nombre de filles dépasse celui des garçons, donc on procède à un "tri" sélectif par l'avortement ou par l'élimination à la naissance.
Il chosifie la femme et en fait un objet en fin de vie à recycler comme un vieil aspirateur; ce qui est frappant, dans ce roman, c'est que les femmes ne se posent pas de questions et acceptent leur sort tellement elles ont été conditionnées.
Mais "Obsolète" reste un polar noir avec un double mystère : que deviennent les femmes Retirées? et qui a tué les trois fillettes? qui donne l'occasion à l'auteur de développer sa vision féministe de la place accordée aux femmes.
Ce roman est une vraie surprise car il est totalement différent des précédents. Et c'est une totale réussite, un tour de force qui m'a complètement happée pour son intrigue, pour la description d'un monde à venir, pour l'arrière-plan féministe. Il m'a rappelé "La servante écarlate" de Margaret Atwood pour le corps de la femme, machine à procréer et "Les heures rouges" (2018) de Leni Zumas, dystopie féministe, qui décrit la régression de la liberté des femmes à disposer de leurs corps, là aussi pas si dystopique que cela quand on observe ce qui se passe aux États-Unis.
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critiques presse (2)
LeFigaro
12 avril 2024
Un formidable roman d'anticipation qui pose de profondes questions sur l'Homme et la Nature, notre soif de sang, de mythes et d'idoles.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Liberation
02 février 2024
Le nouveau roman de Sophie Loubière se projette dans un monde qui pratique le Grand Recyclage des femmes. Dès l'âge de 50 ans, celles-ci sont remplacées par un modèle plus jeune et plus fertile.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
On peut faire de sa souffrance autre chose que de la douleur.
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Maya modela patiemment notre langue et notre imaginaire pour y enchâsser l’expression et le concept.
D’abord en injectant le terme à petites doses dans ses messages informatifs. Il était essentiel de nous habituer à l’entendre. Il fallait le normaliser, nous acclimater à sa présence dans un langage quotidien. L’effet de répétition dégradait notre vigilance. Si un mot isolé pouvait choquer, provoquer une réaction, la ritournelle entonnée par l’IA amoindrissait notre capacité à réfléchir et rendait la chose jolie.
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Ce soir, il n’en finissait pas de tomber.
Une lettre avait suffi. Pris par son boulot, il n’avait pas relevé le courrier ces dernières quarante-huit heures. L’avis de retrait de Rachel attendait dans la boîte.
Il y était préparé. Elle aussi. Ils connaissaient le protocole. La Gouvernance territoriale leur avait fourni une brochure indiquant les étapes indispensables qui permettaient à un couple de vivre sereinement le départ d’une Retirée. Depuis un an, ils se rendaient aux séances collectives de mise en condition, apportaient quelque chose à partager, une bouteille de cidre ou un cake maison. Ils travaillaient sur leurs émotions afin d’associer l’événement à une perspective positive. S’endurcir psychologiquement. La manière dont il convenait d’annoncer le retrait d’une maman à ses enfants était aussi largement abordée.
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Le ciel sur nos têtes n'est qu'un songe lointain. L'homme ne quittera jamais la Terre. Coloniser Mars relève de l'utopie et c'est probablement une très bonne chose.
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Alors, on s’était appliqué à sauver les meubles. Garantir la survie de l’humanité – du moins, ce qu’il en restait. Unir les peuples que les guerres de religion ou de pouvoir, les pandémies et les cataclysmes n’avaient pas encore submergés. Cartographier, reconnecter les territoires habitables. Cultiver le peu de terre non irradiée, dégradée, stérile. Construire autrement. Inventer un nouvel habitat. Faire des trous. Creuser des tunnels, rapprocher les hommes, balayer les jugements, brasser les saines semences, réadapter les cultures pour retrouver la trace des oiseaux dans les ciels renversés et l’étiolement des saisons, engrainer les sols, les ventres capables de reproduire. Dupliquer le vivant. Juste assez pour ne pas épuiser les dernières ressources. Eaux. Terres. Utérus. Exploiter ce que la planète nous abandonnait encore de pureté dans sa grande mansuétude.
Grosso modo, dès qu’ils étaient en âge de lire et de compter, on signifiait aux apprenants que leur existence ne tenait qu’à un fil. Notre présence relevait du miracle, elle était connectée à la survie de notre planète et inversement. Nous portions en nous l’espoir d’une humanité sous perfusion, la femme était l’humus, l’homme le fertilisant.
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