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Critique de nadejda


Douna Loup nous offre un magnifique livre, celui d’une amoureuse. Car elle n’aurait pu écrire « L’oragé » sans être tomber en amour pour l’île rouge, sa langue et ses habitants.

C’est un livre où souffle le vent de la liberté, liberté de femme amoureuse et liberté d’écrivain malgache, conquises non sans souffrance par Esther Razanadrasoa, dite Anja-Z, première femme malgache à publier des poèmes et des articles qui dérangent les colons français :
« quand on dit clairière dans ma langue on dit bouche de la forêt
on dit l’œil du jour et c’est le soleil et être inquiet se dit être couché sur le tranchant du couteau, poésie n’a pas attendu les livres et les lignes, le chant bien avant le chant était là à même partout. »

et liberté à conquérir par Rabe, Jean-Joseph Rabearivelo qui lui est fasciné par la langue des poètes français comme Valéry : « Écrire de la poésie dans une langue qui n’est pas natale, qui n’est pas scolaire non plus. Une langue chérie dans les livres, une langue admirée puis conquise. Il est là à présent avec cette écriture fichée dans le corps et qui le parcourt. Plus de possibilité de rompre, il y a comme une contamination, une contraction souterraine de cette langue à travers lui. Il sait cependant par conviction physique, il sait qu’elle provient d’un lieu différent. Elle ne sort pas comme le malgache, non pas de la même façon. Chaque langue une autre provenance, une autre peau pour s’épancher. Suer. »

La rencontre de Rabe et Esther, qui vont se communiquer leurs expériences, va leur permettre de grandir, de se dégager de toute soumission, de tout enfermement amoureux ou linguistique. « Rabe écoute la maîtresse Esther, toute poésie ouverte comme des voiles en plein vent. »
« La poésie, bête à apprivoiser, Rabe. Pas une princesse apparue par miracle. Non. Un ailleurs ouvert, unique, à soi. Poésie ? Ta bête étrange, soulevée, sous les masques. Rabe, j’ai lu tes feuilletons, tes poèmes, et je vois bien ta soif. Sans répit chaque jour et jusqu’au bout suis-le ton acharnement à écrire.
Rabearivelo m’a regardée puis il a dit, Esther je veux bien le faire ce pacte.
Et depuis nous sommes liés par ce choix total, réciproque et chacun est chargé de veiller à l’implacable chemin de l’autre. »

Quelle est belle cette rencontre décrite par Ouna Loup :
« Rabe et Esther se tiennent par la main.
Mifampitantana.
Ils se tiennent réciproquement la main. Il n’y en a pas un qui tient la main que l’autre donne, les deux tiennent. Les mains sont liées. La rue est sombre. Nanarivo est toute noire dans la tête de Rabearivelo. Tananarive est somnolente dans le regard d’Esther Anja. La journée a été bien pleine, ils vont se séparer à l’orée de la nuit nouvelle, ils ne se donnent pas rendez-nous, ils se disent au prochain regard, au prochain croisement du jour, de la nuit.
Rabe fait un signe de la main et s’éloigne d’un pas souverain. On dirait qu’il flotte, elle l’observe un moment, ce que je ressens pour lui n’est pas comparable. Il est excessivement beau et fragile. Et en même temps que fragile, lame de couteau, force. Il est excessivement lui-même. Je crois que c’est cela que j’aime le plus irasciblement en lui
ses racines de lui-même. »
Rabe privilègiera le français et elle, la langue Hova.

Un livre ensorcelant, passionnément coloré et vivant. Et quelle joie de découvrir un français passé au tamis de la sensibilité malgache qui lui redonne une certaine magie en lui faisant chanter des airs nouveaux !!!
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