Née à Puplinge en Suisse, entre Genève et Annemasse, de parents marionnettistes,
Douna Loup passe sa jeunesse de chapiteau en chapiteau depuis la Drôme où ses parents se sont installés.
Ce qui fait qu'elle voyage en Afrique et part après un bac littéraire faire du bénévolat dans un orphelinat à Madagascar. de quoi elle tire « Mopaya, Traversée du Congo à la Suisse » (je n'y peux rien cela s'appelle comme çà), (2010, Editions de l'Harmattan, 132 p.). Donc, cette traversée du Congo à la Suisse, écrit à deux mains (il est plus dur d'écrire des deux mains là la fois par un même auteur) avec Gabriel Nganga Nseka (ce sont la parole et la plume) « C'est étonnant de lire ma propre histoire dans des mots qui ne sont plus les miens. Cela me permet un recul inhabituel. [. . .] Je découvre au travers des pages de la poésie, là où je ne trouvais en moi que des plaintes. Tout semble transposé et pourtant cela reste juste ». En plus de ce voyage initiatique, on y découvre les sensations de la forêt et la chasse, qu'elle reprendra dans « L'Embrasure » (2010, Mercure de France, 155 p.). Puis surviendront la découverte d'un cadavre, d'un carnet et d'une femme flamboyante. Retour en Suisse, où, dit sa biographie, elle nettoie une banque suisse pendant trois mois. Soit c'était effectivement très sale, soit c'est la coutume en Hélvétie de laver et la banque et l'argent. Donc, Genève ou plus exactement à Puplinge, puis dans région nantaise. L'appel du grand large quand le Léman ne suffit plus.
« l'oragé » c'est un peu le retour de Madagascar à Genève, puis la campagne à coté de Nantes. Retour après un certain succès « Ce n'était pas facile de passer de la discrétion la plus totale à cette mise en lumière ». Tout commence par les années malgache et la découverte de deux poètes des années 20, soient
Jean-Joseph Rabearivelo et Esther Razanadrasoa.
Pour le premier, né Joseph-Casimir Rabe (1903-1937), on trouve, presque complètes de ses oeuvres. Il se voulait être le « contemporain capital » de son pays. Son journal, « Les Calepins bleus », sa
correspondance et d''autres textes autobiographiques révèlent tous « l'âpre et parfois capiteuse nudité de cette quête » jusqu'à son suicide au cyanure. Fils d'un pasteur protestant, qu'il n'a jamais connu, sa mère était cependant descendante d'une famille très noble de la grande île, puisque comptant le souverain Ralambo, qui a régné sur le royaume de Madagascar de 1575 à 1610. Depuis, la famille est ruinée, et le jeune Joseph-Casimir commence tout de même ses études chez les jésuites. Dont il est renvoyé, et doit apprendre le français tout seul. Il a cependant des bases, et se décrit lui-même comme ayant « la taille de Napoléon, la taille des grands hommes ». Ainsi que « J'ai le front dévasté que j'aime à comparer à celui que telle estampe donne de
Baudelaire ». Il change même de nom pour se faire appeler
Jean-Joseph Rabearivelo, pour avoir « les mêmes initiales que
Jean-Jacques Rousseau ». On a les antécédents que l'on se trouve et se donne.
Ceci dit, il écrit des
poèmes dont un recueil «
Traduit de la Nuit » a une certaine reconnaissance. On le republie (2007,
Editions Sépia, 80 p.) et ses
oeuvres complètes sortent en deux volumes (2010, 2012, Editions du CNRS, 1278 et 1792 p.). le premier volume comporte son journal « Les Calepins Bleus » et le second sa poésie complète ainsi que ses critiques.
Quant à Esther Razanadrasoa (1892-1931), elle signe de son nom de plume Anja-Z, en hommage à sa mère. Son oeuvre, entièrement écrite en malgache et très confidentielle, a été publiée « Rasolihanta », (1931, Jean Paoli et Fils, Antananarivo, 20 p.).
Jean-Joseph Rabearivelo traduit une partie de son oeuvre, hommage à son égérie qui absorbe des produits dangereux et abortifs. Il la considère comme « l'une des figures les plus sympathiques de la presse malgache ».
Retour à « l'oragé » dans lequel
Douna Loup leur rend un bel hommage à tous deux. Jean-Joseph « auteur du premier poème en vers français écrit par un Malgache », et à Esther « première femme malgache à écrire et publier ».
Début des années 30 à Antananarivo, qui n'est encore que Tananarive, « une ville est encore au contact du mufle des zébus ». « Manga feo » qui signifie « la voix bleue » en malgache, ou la voix qui s'empare des mots écrits, puis soulignés au crayon.
Douna Loup connaissait l'oeuvre de J.J. Rabearivelo, qu'elle simplifie en J.J. Rabe. Puis de là, à son égérie, il n'y a que quelques mots. « C'est Esther qui m'a donné le courage ensuite d'oser aborder la figure de Rabearivelo ». A cette époque, Madagascar c'est tout d'abord la Grande Ile que l'on appelle aussi « l'île Rouge » de par la couleur de la latérite qui colore ses plateaux, la ville Antananarivo « le jour se lève haut sur la ville, il a une odeur d'épave, une salière ouverte divulgue son salé, le jour éclate, la ville en masse rouge apparaît cerclée de rizières ». La partition de l'ile en deux peuples, les Vazimbas (ceux de la forêt) et les Vézos (ceux de la côte, principalement ceux des côtes Ouest et Sud. La colonisation française débute en 1862, avec un premier Consul de France à Madagascar et le règne de la reine Ranavalona Ire. le pays prospère, malgré une colonisation parfois sévère, marquée par une importante participation forcée des soldats locaux à la Grande Guerre. C'est cette période pendant laquelle les poètes revendiquent un peu d'indépendance face aux exactions colonialistes.
C'est surtout un chant d'amour à deux voix et elle explique « J'avais envie de réinventer Rabe et Anja-Z dans leur liberté, de les dire ainsi, libres ». C'est aussi la découverte, et le passage, de la toute jeune littérature malgache, à laquelle elle ajoute, lors d'un séjour suivant
Johary Ravaloson dont on peut lire « Antananarivo, ainsi les jours » (2010, Publie.net, 65 p.).