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Critique de RosenDero


La chose la plus miséricordieuse en ce bas monde est bien, je crois, l'incapacité de l'esprit humain à mettre en relation tout ce qu'il contient.

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Le professeur Angell est décédé et son neveu a hérité de ses possessions. Parmi elles, il trouvera, dans une étrange caisse fermée à clé, un ensemble de documents, de coupures de presses, et une tablette d'argile regroupés sous le titre "LE CULTE DE CTHULHU". Commencera alors une terrible enquête dont l'homme aurait préféré ignorer les résultats...

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On ne présente plus L'Appel de Cthulhu.
On ne présente plus Howard Phillips Lovecraft.
Et pourtant, on devrait...
Ne serait-ce que pour permettre à ceux qui ne connaîtraient pas de mettre un pied dans ce fantastique univers mythologique (et inversement).

L'Appel de Cthulhu, est le récit emblématique de l'auteur américain H. P. Lovecraft, connu autant pour sa misanthropie que pour ses textes fantastiques où l'horreur indescriptible place le lecteur face à ses pires angoisses.

Emblématique car il fait apparaître le Grand Cthulhu en "chair" et en "os" (si le lecteur prend le parti de croire ce que le narrateur raconte).
Emblématique car sa structure, tout en récits rapportés, synthèses de notes de seconde main, lectures de comptes rendus, etc. propose un crescendo au sein duquel le lecteur sera happé.
Emblématique, également, de fait qu'on y retrouvera cet effroi et ce fatalisme qui font les récits du reclus de Providence.
Emblématique, enfin, car la plume suggestive de Lovecraft ne décrit pas de manière exhaustive et naturaliste mais pioche dans l'esprit du lecteur pour en tirer les pires horreurs et lui donner accès à ces hideuses émanations ou entités indicibles.

Dur, donc, de mettre en images les oeuvres de Lovecraft. Comment sera-t-il humainement possible de dessiner des géométries non logiques et des créatures que l'esprit humain ne peut pas percevoir sans perdre la raison ?

Et c'est pourtant le pari de cette collection "Les récits de Howard Phillips LOVECRAFT illustrés par François Baranger" dont je ne connais pour l'instant que ce tome.
J'ai eu du mal à trouver la mention « texte intégral » et pour cause, elle est totalement absente du livre. Mais je vous assure qu'il s'agit bien du texte intégral ;)

Je ne donnerai pas mon avis sur l'histoire ici (juste un passage sur la traduction) et je réservé cette critique à sa mise en images. Plusieurs points de vue peuvent entrer en ligne sur ce sujet : la fidélité au texte, l'atmosphère rendue, et la pertinence des découpages en sont une partie. Et je rajouterai donc, pour avoir fait l'expérience de lire en parallèle la version originale, la traduction.

Commençons par ce dernier point : La traduction de cet ouvrage que l'on doit à Bragelonne est, fort logiquement, celle de Maxime le Dain, chez Bragelonne 2012. Et, franchement, je ne suis pas fan. Si le texte est cohérent et sa lecture très fluide (malgré quelques erreurs idiotes ), on perd beaucoup des structures et des tournures qui font l'ambiance et la pression de l'original. Car Lovecraft ce n'est pas simplement une histoire, c'est surtout une plume particulière qui mérite que l'on ne s'arrête pas à une traduction fallacieuse.

Du point de vue du découpage, je n'ai pas grand chose à redire : il est logique avec le texte, et reprend les parties mises en exergue (car certains passages ont été choisis par l'éditeur et mis en police maximale par rapport au reste. Un choix pas toujours judicieux et sans trop d'intérêt car je ne comprends pas ce que le survol de cette oeuvre peut apporter...). Un peu trop de pages, à mon goût, sur les entités que l'on ne peut pas décrire,

La réalisation graphique est moyennement fidèle par rapport au texte, mais plutôt pertinente. Si ça ne nuit en rien à l'ensemble, je trouve ça parfois dommage. Je ne reprendrai pas les doubles pages l'une après l'autre, mais je dirai simplement que j'ai trouvé celle sur R'lyeh en songes à côté de la plaque (des pics, des décors osseux, des oiseaux alors qu'on attendait du monolithique, du cyclopéen, de la profondeur, des pierres qui suintent...), que j'ai beaucoup aimé celles illustrant le récit de l'inspecteur Legrasse, même si, encore une fois, le texte nous donne des images mentales qui ne sont pas fidèlement rendues par Baranger (une centaine de cultistes - là à peine 30 ; un cercle de flammes, un cercle d'échafauds - là du feu partout et des gibets erratiques, etc.), que j'ai moins apprécié les images des êtres des profondeurs pour la simple et bonne raison que je n'y ai pas retrouvé ce à quoi je m'attendais (était-ce seulement possible), que je ne comprends pas ce que ça aurait coûté de foutre des cheveux blancs (comme l'indique clairement le récit) à Johansen au lieu de châtain, que la partie à Point Nemo est vraiment réussie et que l'architecture est de toute beauté mais malheureusement trop peu présente pour se concentrer sur un Cthulhu pas franchement constant (et ce côté "je fous des éclairs pour rendre l'ambiance chaotique" me chagrine un peu).

Bilan ?

On pourrait croire que je n'ai pas apprécié cette mise en images, mais il n'en est rien : le tout qu'il forme (récit + illustrations) est de très bon niveau et là j'ai été dur avec la mise en images. L'ambiance qui se dégage des dessins est vraiment très bonne et on sent toute la tension qui émane du récit dans ces illustrations. C'est une bonne entrée en matière, un bon moyen de découvrir ou un autre de redécouvrir. C'est plutôt fidèle et ça apporte un petit plus "aguicheur" qui manquait peut-être à la bibliographie de H.P Lovecraft. En ce sens, c'est du bon boulot (même si Bragelonne aurait pu faire relire ses épreuves et nous virer LA coquille en plein milieu de la page de journal - bonne idée au demeurant - faisant de la police de Sydney "le police de Sydney"... ).

Toutefois, sur des récits moins emblématiques et plus tournés vers la suggestion, la pilule risque de moins bien passer (en même temps, comment imprimer une couleur qui n'existe pas ou tracer des traits à la fois concaves et convexes ?)...
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