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Critique de Boubouddha31


Le passeur, de Lois Lowry, est une dystopie fascinante.

Dans ce livre relativement court, mais fort bien écrit, on suit le quotidien de Jonas. Ce jeune garçon vit dans une communauté où tout ou presque est écrit d'avance : les règles instaurées et appliquées par les "sages" sur leurs ouailles sont nombreuses.

L'efficacité et la tranquillité sont les maitres mots : l'originalité n'a pas lieu d'être, la créativité non plus, ne parlons pas de l'esprit critique.
La société dépeinte dans le passeur est une extrapolation poussée à l'extrême de ce vers quoi tendent diverses sociétés actuelles : contrôler la vie des citoyens dans ses moindres détails afin d'éviter tout accident, toute rébellion, tout questionnement.

Cela concerne le choix des études, du travail, du conjoint, du ou des enfants, mais aussi les loisirs, le mobilier, les vêtements, le langage oral et corporel, la nourriture, les déplacements...
Ceux qui ne supporteraient pas cette situation peuvent toujours demander un élargissement, et ceux qui contreviendraient de façon récurrente au règlement seront élargis eux-aussi.

Le fait est que cette société fonctionne. Les personnes que croise Jonas acceptent largement cette situation, ne comprennent même pas qu'on puisse penser ou agir différemment.

Une forme de totalitarisme a donc gagné, et même si en apparence le monde qui entoure Jonas est bienveillant et vertueux (pas de guerre, pas de conflits, pas de crimes, etc), un grain de sable va venir perturber le quotidien de cet enfant au potentiel fort intéressant.

Car les sages ont décidé que Jonas deviendrait passeur, un statut unique dans la communauté. Ce statut est réservé à de rares individus dont on comprend qu'ils ont développé des sentiments étranges comme l'empathie ou la curiosité, nonobstant les verrous sociétaux qui les accompagnent depuis toujours.

Dès lors Jonas est pris en charge par le passeur encore en poste, qui va être le garant de sa formation, qui va lui transmettre la somme des connaissances qu'il a acquises. Surtout que le passeur et son apprenti ne sont pas soumis aux mêmes règles que les autres.

Lorsque Jonas comprendra ce qui se joue réellement dans la société qui l'entoure, comment réagira-t-il aux révélations de son tuteur ? Car oui, l'enfer est souvent pavé de bonnes intentions...

Les thèmes abordés lors de la lecture du livre le passeur sont variés et très importants : eugénisme, liberté individuelle, soumission à l'autorité, domestication de la nature, GPA, place de l'art dans le monde, esprit critique, totalitarisme. On sent bien que l'auteur sent poindre cette tentation chez certains leaders actuels et qu'il apporte sa critique à une vision du monde sans nuances, où l'on formate les individus, où l'on tente de nier leur essence propre tout en leur faisant croire que l'on sait ce qui est bon pour eux.

Lois Lowry nous fait bien comprendre que rares sont les individus capables de s'éveiller : qu'il est dur de s'affranchir du regard de l'autre, qu'il est compliqué de briser les barrières mentales que l'on nous a inculquées depuis notre plus tendre enfance (parents, école, État, supérieurs hiérarchiques). Une société déshumanisée, coupée de son environnement, pourrait apparaitre agréable et viable à une immense majorité d'entre nous, pour peu que nous n'ayons jamais eu les clefs de décodage de la matrice qui nous entoure.

Le passeur est une oeuvre littéraire de premier ordre, facile d'accès mais pas dénuée de style et d'une certaine poésie. Certaines scènes sont très poignantes, révoltantes. Dans ce monde fade, aseptisé, que l'auteur décrit, surgit finalement une lueur d'espoir, une vibration de Vie, une fureur de vivre même, qui fait vraiment du bien.




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