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Critique de Ana_Kronik


La culture fait sans doute partie de ces concepts qui nous paraissent évidents à définir. Mais ce n'est pas seulement l'ensemble de nos connaissances générales, souvent réduites à des clichés (Marignan 1515, une chanson de Johnny) ... Ce sont aussi - et surtout - nos pratiques, nos représentations, nos attitudes, orientées par la société en général, et par les productions intellectuelles ou artistiques de quelques personnes. Car la culture est politique, à n'en pas douter!

L'intérêt de ce livre bien documenté est de montrer comment ces pratiques, ces représentations, et ces productions ont évolué en France au cours des cent dernières années.

Il serait fastidieux d'énumérer tous les bouleversements survenus depuis la belle époque, mais on peut citer toutefois le développement formidable des moyens de communication de masse, depuis les journaux jusqu'à la télé à la carte, en passant bien sûr par la radio et le cinéma. Sans ces outils, la culture serait restée l'apanage d'une toute petite classe privilégiée. le sport en est un des exemples éclairants: réservé jusqu'aux années trente à la bourgeoisie (que l'on pense au ski, au tennis, ou au rugby), il devint accessible aux ouvriers grâce à une politique d'investissement ambitieuse du front populaire.

Ce qui amène naturellement à se demander quelles sont les forces qui influent sur le paysage culturel d'une nation. Quelques artistes éclaireurs, mais aussi des financiers fleurant la bonne affaire. Les gouvernements y jouent un rôle majeur, parfois très volontariste (Malraux, Jack Lang) et dans d'autres cas, par leur absence d'action. Laisser le sport devenir un business-spectacle; autoriser la concentration de la presse écrite dans les mains d'un tout petit groupe d'industriels. On peut aussi citer le régime d'assurance-chômage des intermittents du spectacle, régulièrement remis en débat, la loi Hadopi (2009) destinée à lutter contre le piratage, et bien d'autres. Dans un autre registre, pour mieux faire accepter l'occupation, le gouvernement nazi avait volontairement favorisé la vie intellectuelle, en particulier le théâtre.

On trouvera donc ici une analyse aussi neutre et factuelle que possible, où s'entremêlent l'histoire et la culture, et surtout, quelques clés du contexte pour comprendre l'évolution de la littérature, du cinéma, des arts, et aux travers de ceux-ci, de nos représentations culturelles. Pourquoi le dadaïsme est il apparu précisément pendant la seconde guerre mondiale, et le nouveau réalisme dans les années soixante? Quelle était l'image de la banlieue dans les films des années 30? Et bien d'autres éclairages. Une plongée aussi instructive que passionnante!

Un petit regret, cette édition date de 2008, et n'étudie pas suffisamment les changements apportés par les réseaux sociaux, les influenceurs, et la vogue des publications centrées sur l'ego.

Les dernières pages, hélas, ne sont guère optimistes: perte de prestige des intellectuels (où sont les Sartre, les Foucault?), uniformisation des contenus, individualisation de la consommation au détriment des spectacles en public, diminution constante du nombre de "grands lecteurs"(*). S'y ajoute le désengagement de l'État, partiellement compensé par les collectivités locales, du moins jusqu'à la réforme de leur financement en 2009. La culture a-t-elle de l'avenir? Sans doute, mais lequel?

(*) qui lisent 20 livres ou plus par an. On en comptait 28% en 1973, mais 16% seulement en 2008.
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