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Critique de polacrit


Une Affaire italienne, Intrigo Italiano. Il ritorno del commissario De Luca dans la version originale parue en 2017, a été publié par les éditions Métailié en 2021. L'écriture sobre, dans un style souvent journalistique, fait ressortir l'art de la mise en scène filmographique propres à l'auteur: "De Luca le vit en premier, le tournant qui pliait la route comme un coude, et instinctivement, ses pieds écrasèrent le plancher de l'auto, sa main gauche agrippant la poignée avec une force à faire mal aux doigts, la bouche encore béante.
Giannino s'en aperçut un instant après, freina avec un autre juron toussé entre les dents et tourna le volant pour se rabattre à droite, de nouveau derrière le camion, mais en fait il était trop tard." (Page 11)..."Il était en haut de l'escalier, sur le dernier palier étroit qui, au-delà d'une rambarde basse et carrée, donnait sur le vide. Il y avait des rubans adhésifs collés sur la porte avec l'inscription “Police” au crayon, et le tampon de la Questure. De Luca les montra à Giannino, d'un mouvement du menton car il avait les mains plongées dans son pardessus, le dossier couleur crème sous le bras. On aurait dit que tout le froid humide de la rue avait été aspiré jusque-là par la cage d'escalier.
Giannino arracha les scellés puis sortit un passe-partout et, en un instant, ouvrit la porte. Il sourit à De Luca mais celui-ci ne le regardait plus. Il fixait l'obscurité au-delà du seuil tandis que son coeur avait commencé à battre fort et cette fois oui, un excès de salive, d'eau à la bouche, vraiment, le contraignit à déglutir." (Page 20).
Construction: chaque chapitre figure une journée d'enquête, l'histoire commençant par la presque-fin, avec l'accident de voiture dont De Luca et son adjoint Giannino sont victimes. Procédé déroutant car le lecteur ne comprend pas tout de suite où ils vont, et pour quelle raison ils se trouvent sur cette route, en plein hiver. Ce n'est qu'à la fin du roman que le lecteur apprend tous les détails et qu'il fait le rapprochement avec tous les éléments de l'enquête qu'il réunit au fur et à mesure de la lecture.
Fil rouge: Guerre Froide, le péril rouge représenté par les communistes =>Un contexte historique difficile, que nous lecteurs d'aujourd'hui peinons à nous représenter: les relations sociales et politiques gangrenées par une ambiance de délation, de méfiance, héritage des années de fascisme et du totalitarisme imposé par le Duce et sa clique.

21 décembre 1953. De Luca, qui a été le meilleur flic d'Italie pendant la période fasciste et mis sur la touche depuis cinq ans, revient à Bologne incognito afin de résoudre le meurtre de Stefania Mantovani, veuve du professeur Mario Cresca, décédé deux mois plus tôt dans un accident de voiture. Elle a été retrouvée morte dans la baignoire de la garçonnière de son mari. 
Une fois sur place, De Luca observe la scène du crime qu'il reconstitue en imagination. Très vite, il se rend compte que certains détails ne cadrent pas avec le déroulement supposé des événements de la soirée. Aucun signe d'effraction. Connaissait-elle son agresseur? Pourquoi ne retrouve-t-on pas les vêtements de la morte? Et pourquoi l'étrangler avec le fil du téléphone dans le salon pour ensuite la noyer dans la baignoire de la salle de bains?? Décidément, rien ne colle...
La mort soi-disant accidentelle du professeur aurait-elle un rapport avec le meurtre de sa femme? Si oui, quel lien entre les deux morts? De Luca pressent que cette affaire n'est pas si simple qu'elle n'en a l'air, dont les dessous ne sont pas clairs: jalousie d'un membre du groupe de jazz dans lequel jouait le professeur? Meurtre politique dans la lutte contre les communistes? Crapuleux? Ou passionnel? Les pistes ne manquent pas et De Luca devra faire preuve de beaucoup de persévérance et utiliser ses facultés de déduction au maximum s'il veut pouvoir démêler les fils de cette affaire bien embrouillée. D'autant que la météo hivernale, chutes de neige, routes verglacées, gêne considérablement les investigations du commissaire.

Carlo Lucarelli nous entraîne dans les glauques méandres de la politique de l'Italie d'après-guerre, une Italie meurtrie par son passé fasciste dont elle a bien du mal à se blanchir, à l'image de De Luca mis sur la touche pendant cinq ans et que l'on fait revenir incognito plus par nécessité que par reconnaissance, estimant qu'il est le seul à pouvoir venir à boude cette enquête. La scène où il est reconnu par un tenancier de bar est à ce titre très significative. L'ambiance de film noir, le caractère taciturne du commissaire illustrent l'atmosphère délétère dans laquelle se démène la classe politique de ces années noires. du grand polar noir...

Lien : https://legereimaginarepereg..
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