Le Don Juan de Venise Casanova

Méritait-il une aussi tendre fidélité ? La banque, peut-être l'ambassade, le brelan, la taverne, le théâtre, les dames occupaient le plus clair de son temps, et il ne se souciait guère de Manon.

L'été était torride sous ces toits de plomb ( 1 ). Casanova avait mis de côté son superbe manteau de pou-de-soie, son bel habit, son chapeau bordé à point d'Espagne et garni d'une grande plume blanche, et vivait presque nu en compagnie d'une légion de rats qui lui faisaient horreur.

NDL ( 1 ) : Giacomo Casanova est incarcéré, il est dans un cachot d'une prison de Venise, près du Pont des Soupirs, en 1756.

Voici ce que, d'un ton inspiré, il débite à la pauvre illuminée :
" Le comte d'Aranda ne peut servir de sujet ; il faut une vierge, fille d'un adepte des Rose-Croix : je la féconderai d'un garçon que, dès sa naissance, vous garderez sept jours auprès de vous ; au bout de ces sept jours, vous mourrez, la bouche collée à celle de l'enfant, qui recevra ainsi votre âme intelligente ; et quand l'enfant aura trois ans, vous vous reconnaîtrez."

NDL : Giacomo exploite financièrement la folie et la naïveté de la marquise d'Urfé, férue de magie, ésotérisme, occultisme, et dont l’obsession est le rajeunissement.

Sa tombe, au cimetière de Dux, était surmontée d'une croix de fer qui se descella, resta enfouie dans les herbes folles et, par les nuits sans lune, accrochait de ses aspérités les jupes des filles qui passaient.

De la prison vénitienne à la Cour de France, quelle ascension ! Grâce à Bernis, Casanova était signalé partout comme un financier prestigieux, possesseur de merveilleuses recettes ; s'il y avait un homme capable de restaurer par son ingéniosité la situation des gouvernements obérés, c'était lui.
A la vérité, Giacomo n'avait, en matière de finances, aucune lumière, aucune idée, si ce n'est que l'argent bien ou mal acquis doit être largement dépensé et rendre aisée la vie galante.