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Critique de aa67


Suivre les mouvements d'un fleuve afin de mieux comprendre ceux des humains.

L'autrice, Sophie G. Lucas, est une poétesse française née à Saint-Nazaire mais vivant actuellement à Nantes. Elle ne voit paraitre son premier livre qu'après sa quarantaine. Elle était inconnue pour moi. On lui reconnait un regard social et documenté, qualité que j'ai approchées dans Mississippi.
Je vais essayer de trouver le livre « Se recoudre à la terre » ou « Neige blanche », ce recueil de poèmes pour lequel elle a été lauréate du Prix de Poésie de la ville d'Angers en 2007, et qui est dit autobiographique et parlant de la mort de son père.
La « Collection La Sentinelle, une attention particulière aux histoires et parcours singuliers de gens, lieux, mouvements sociaux et culturels » a très bien choisi en éditant ce livre pour illustrer des vies qui resteraient sinon plus facilement dans l'ombre.

L'image qu'elle suit dans ce récit est celle d'un fleuve avec ses mouvements, ses assèchements ou ses débordements, ses pérégrinations assimilées aux vécus générationnels. Elle essaie de calquer ses mouvements sur ceux des vies humaines en traversant le temps et les frontières.
L'histoire est difficile à résumer, même difficilement descriptible. C'est une espèce de « picorage » de vies humaines picorées au gré des choix de l'autrice. Je dis picoré car elle ne fait que s'approcher sous forme d'arrêts sur image sur des vies à un temps T.
Pour lier tout cela elle utilise une écriture qu'elle a certainement voulue proche de la poésie. C'est déroutant puisqu'on s'attend à un roman qui serait une fresque s'étalant de 1839 à nos jours. On ne suit pas à proprement parler une lignée familiale : on picore des moments forts de l'Histoire au travers d'émotions et sentiments de vies humaines individuellement observées.
L'image du fleuve calqué sur un arbre généalogique n'est pas si nette, mais on peut la retrouver si l'on cherche bien, si notre lecture se fait dans le calme, lentement, sans excès de jugement.

Les personnages et les temps forts.
On commence par un couple de parents nés en 1800 qui ont trois enfants dont une fille Françoise. le graphique de la lignée est présenté au tout début du livre. Vite on arrive à Impatient ce personnage dont le texte dit ; « Il est anguleux, furieux. Il n'a pas été déclaré, un oubli, une erreur ? On ne saura pas ». Il dit de lui «  Je ne suis peut-être pas dans ce registre, mais j'ai mille vies en moi ». Ce fils de franc-comtois arrive dans les plaines du Mississippi, « pour une terre, pour de l'or ».
Le lecteur passe ainsi de personnage en personnage de la lignée choisie par Sophie G.Lucas.
Alexis, Marie puis Edouard pour illustrer la révolution et « la foule tombée en silence ». Marthe en 1914 qui ne sait pas encore que c'est la grande guerre puisqu'elle-même vit la guerre de son corps, et pour laquelle il est question d'accouchement à l'hôpital et plus à domicile. Elie et la ruralité du siècle dernier. On en 1946 à Dakar, puis très vite on est en 1998 et enfin en 2006 aux côtés d'Odessa.

Citation pour mettre en scène l'écriture de l'autrice :
1967 : « L'homme en guerre crache du feu de son corps, on n'était pas sensé faire la guerre, pas à nos âges, pas à cette époque, yéyé et rock n'roll, ce n'était pas la promesse de nos ainés, l'homme en guerre a ravalé sa colère, a fait la guerre, enfin ce n'était pas la guerre disait-on là-haut, mais le maintien de l'ordre, ce n'était pas la guerre dans nos propres territoires, car c'était chez nous, l'homme en guerre ne faisait pas la guerre alors, , il pacifiait, , c'étaient des opérations de pacification, on gardait un col, on gardait une ferme, on fouillait des villages, et puis on tuait, bien sur on était tués aussi, on raflait, , on contrôlait, … ».
Ou encore : « c'était comme un fleuve en nous qui nous reliait, de génération en génération, de région en région, ça nous forgeait, et parfois ça débordait, et parfois ça soulevait… »

Merci aux Editions La Contre Allée et à lecteurs.com de m'avoir permis de découvrir cet éditeur et cet auteur.
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