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Critique de Cigale17


Je voudrais remercier Babelio et les éditions du Seuil pour ce beau roman reçu grâce à une Masse critique privilégiée. Celle qui parle aux corbeaux est paru dans la collection « Voix autochtones ». L'autrice, Melissa Lucashenko, est une Bunjalung de la côte est d'Australie et elle milite pour les droits des aborigènes.
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L'histoire se déroule en deux parties, mais un chapitre en forme de prologue présente un des personnages, Owen Addison, après sa victoire à un match de boxe en 1943. Owen est un « sang-mêlé » et les Blancs qu'il a vaincus lui font payer très cher sa victoire : ils le tabassent sans pitié et on devine qu'ils font pire encore… La suite de l'histoire se déroule de nos jours. Kerry retourne dans son village natal pour voir une dernière fois Pop, son grand-père, qui va bientôt mourir. Elle conduit une Harley dernier cri et en arrivant, elle trouve son frère aîné, Ken, une force de la nature, bipolaire, en train de boire sa quatrième bière à 11 heures du matin. Pop s'est rendu à l'hôpital avec Pretty Mary, sa belle-fille, la mère de Ken et de Kerry. Répondant aux questions pressantes de Ken, Kerry se décide à lui dire que Allie, sa petite amie, est en préventive et qu'elle risque cinq ans. Ce que Kerry ne lui avouerait pour rien au monde, c'est que Allie l'a plaquée et qu'elle-même est soupçonnée de complicité dans le cambriolage qui a fait tomber sa copine. D'où l'idée d'aller faire un tour au village où elle n'a pas mis les pieds depuis un an... Avec elle, elle a apporté un sac à dos qu'elle ne quitte pas des yeux.
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Dans cette présentation, il manque au noyau familial Brandon, le frère cadet, celui qui a réussi, qui vit en ville et qui se mérite le surnom de Black Superman, ainsi que Donna, la fille aînée, disparue il y a belle lurette. Personne ne l'a jamais revue et tout le monde la croit morte, sauf Pretty Mary, sûre qu'elle est en vie et qu'elle reviendra un jour : les cartes de tarot le lui ont dit. Il ne faut pas oublier Donny, le fils de Ken, anorexique, quasi mutique, ne souriant jamais et s'abrutissant de jeux-vidéos. Elvis, le chien de la famille, semble être son seul ami et son unique réconfort. Chez les Bunjalung, la famille ne se limite pas à la famille nucléaire, mais s'étend à tous les membres de la parentèle, proches ou éloignés, morts ou vivants, et ils apparaîtront épisodiquement, au gré des fêtes et des drames. On fera aussi la connaissance du potentat local, Jim Buckley, maire et agent immobilier. Ce personnage sans scrupules veut mettre la main sur les terres ancestrales aborigènes, particulièrement chères à la famille Addison parce que leurs ancêtres y sont inhumés. Il va raviver les antagonismes et faire naître un esprit de revanche contre la colonisation par sa corruption et sa prévarication.
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J'ai beaucoup aimé ce roman très original à plusieurs titres. Si on excepte Jim Buckley, l'autrice ne présente aucun personnage de manière manichéenne : tous ont des faiblesses, parfois impardonnables et criminelles, mais tous présentent des côtés touchants. le racisme est omniprésent dans les deux communautés. « Whitefellas » et « Blackfellas » se méprisent pour des motifs différents, mais la méfiance et les préjugés paraissent chez les uns comme chez les autres. le racisme, évident dans la communauté blanche (il y a des exceptions !), contamine aussi les relations entre les membres des Peuples premiers, voire entre ceux de la même famille. Ainsi, les différents tons de peau, qui dévoilent sang pur ou sang mêlé, suscitent différentes réactions parce qu'ils attestent de relations sexuelles avec des « Whitefellas », qu'elles soient ou non consenties. La nature est partout et elle habite chaque être qui veut bien s'attarder à la contempler. La communication avec les animaux et avec les esprits des morts devient vite absolument naturelle et parfaitement vraisemblable. Jolie surprise aussi : beaucoup de mots issus de langues aborigènes ne sont pas traduits et… cela n'entrave en rien la compréhension ! Une belle et passionnante lecture que je vous recommande.
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