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EAN : 9782021506419
432 pages
Seuil (14/04/2023)
3.62/5   87 notes
Résumé :
Kerry Salter a passé sa vie à esquiver deux choses : sa ville natale et la prison. Sa dulcinée y croupit d’ailleurs depuis quelque temps. Armée de sa grande gueule et de sa rage, elle lutte contre les inepties du monde.

Alors que son père est sur le point de mourir, elle doit se rendre au plus vite à son chevet. Chevauchant sa Harley à travers le bush, elle revient dans le foyer familial et apprend que la terre de ses ancêtres est menacée par un proje... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (64) Voir plus Ajouter une critique
3,62

sur 87 notes
Livre lu dans le cadre de la masse critique privilégiée, je remercie vivement Babelio de me l'avoir proposé et les Editions du Seuil qui me l'ont envoyé. Cette histoire m'a immédiatement tenté par son thème sans en imaginer les péripéties qui sont très nombreuses.

Une belle lecture qui fait intervenir de multiples personnages, humains et animaux, dont le thème central est celui de la famille avec tout ce qu'elle peut générer comme ancrages, passions, déceptions, vexations, égarements, malheurs et joies de la vie.

C'est un drame qui s'articule autour de personnalités fortes, la mère, Pretty Mary, l'une des filles, Kerry qui est l'héroïne majeure, l'un des fils, Ken, enfermé dans des certitudes et une violence dangereuse pour les siens et lui-même. Et puis, la nature, avec une île sur une rivière où la marée remonte avec la présence d'un requin, la nature du bush australien que Melissa Lucashenko décrit dans de brèves phrases porteuses du sentiment de plénitude que cette île, cette rivière peuvent apporter à cette famille.

Le racisme est latent tout au long du roman, traité souvent avec humour, mais il est quand même certainement responsable du comportement du grand-père, Pop, lui-même victime d'agissements qui ne sauraient néanmoins justifier les siens.

Le langage est dur, cru, les dialogues sont acérés, la violence est toujours prête à se déchaîner, mais il y a dans cette famille des hommes de paix qui sont capables de rassembler autant que possible tous ces égarés de l'existence.

On ajoute une intrigue qui flirte avec l'écologie, mais sans excès, des amours contrariées, des souffrances dissimulées, le tout aboutissant peu à peu à une apothéose finale dont la dernière phrase est une très belle réussite.

Les très nombreux termes aborigènes ne sont pas traduits mais l'immersion dans le livre en permet globalement leur compréhension. Ils m'ont paru une valeur ajoutée à la qualité littéraire de ce roman aux dialogues très réussis, aux longueurs nécessaires pour entrer dans le tableau familial, en comprendre les imbrications et le rôle déterminant de la plupart des protagonistes, vivants et morts.

Faut-il regretter de l'avoir lu très vite, quasiment d'une traite? Je ne pense pas car on peut en rester imprégné longtemps je crois et ne jamais oublier les paroles de Celle qui parle aux corbeaux.






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Melissa Lucashenko ouvre cette oeuvre de fiction sur cet avertissement : « les membres de ma famille élargie ont subi au moins une fois dans leur vie la plupart des faits de violence évoqués dans ces pages ». le reste est tiré « soit d'archives historiques, soit de l'histoire orale aborigène. » Et l'épigraphe de nous renvoyer à l'histoire de son arrière-grand-mère, « une femme goorie qui, en 1907, fut arrêtée pour avoir tiré sur l'homme – Aborigène lui aussi – qui tentait de la violer. » « Elle n'était, selon lui, qu'une gin, une ‘'traînée aborigène'' et il avait le droit d'en faire ce qu'il voulait. »


Nous voilà donc plongés dans le triste quotidien d'une petite localité rurale de la Nouvelle Galles du Sud, en Australie. Son grand-père se mourant, la jeune Kerry Salter rentre au bercail sur une Harley volée. Au chevet du patriarche – un Aborigène arraché aux siens pour, conformément à la politique d'assimilation du gouvernement des années cinquante, grandir, privé de son identité culturelle, dans une mission blanche –, elle retrouve avec répugnance les débris du cercle familial qu'elle n'a jamais eu de cesse que de fuir.


Imbibée de croyances chrétiennes à défaut de l'alcool dont elle est parvenue à se sevrer, sa mère Pretty Mary n'en reste pas moins la gardienne de la mémoire familiale et de la culture Bundjalung héritée de la branche maternelle. C'est elle qui, cartomancienne à ses heures, fait chichement bouillir la marmite du foyer, entre l'addiction aux paris hippiques de l'aïeul et les combines toujours perdantes de son colosse de fils à la dérive. Ken, récemment passé par la case prison, est un quintal de rage et de rancoeur que l'alcool achève de rendre mauvais. Père défaillant, ses deux aînés étant partis vivre chez leur mère, il déverse tout son venin et sa violence sur son benjamin Donny, un adolescent fragile et replié sur lui-même. Ne manque au tableau que Donna, la soeur de Kerry, partie à l'âge de seize ans sans plus donner de nouvelles, et dont l'absence hante une Pretty Mary incapable de contenir sa déception. Même le dernier fils est aussi de passage pour les adieux au vieux Pop : il vit d'ordinaire à la grande ville, où son compagnon et lui servent de famille d'accueil à deux enfants qu'ils tentent, tant bien que mal, de sauver de leur passé de violence.


Mais, éreinté comme tant d'autres familles aborigènes par l'acculturation et des conditions de vie marquées par la pauvreté, l'alcool et la violence, le clan Salter se mobilise soudain lorsque survient pis encore. L'agent immobilier Jim Buckley, petit-fils d'un Sergent de terrible mémoire qui, en son temps, terrorisa les Autochtones, profite malhonnêtement de ses fonctions de maire pour promouvoir un projet de construction sur le site sacré de leurs ancêtres. Dans une cascade d'événements qui révèlera bien des crimes, mais où l'humour noir de la narration sert d'antidote à l'abattement du lecteur face à la spirale du malheur et de la destruction, entretenue de génération en génération par les injustices quotidiennes d'un racisme systémique, chaque membre de la famille réagit à sa manière, contribuant à un sursaut collectif qui, pour la première fois depuis longtemps, pourrait redonner dignité et espoir à ces gens effacés de leurs terres et de leur identité culturelle par la tornade blanche de la colonisation.


L'humour du désespoir anime cette saga familiale qui, sous couvert d'une histoire divertissante à destination du plus grand nombre, n'en dénonce pas moins avec vigueur la triste inefficacité des politiques successives censées, ces dernières décennies, lutter contre les inégalités subies par la population aborigène en Australie : la ségrégation raciale se traduit toujours pour les Autochtones par une moindre espérance de vie, des difficultés socio-économiques, un plus fort taux de criminalité et de suicide. Enfin, à la portée politique du roman, s'ajoute le constat, ô combien d'actualité, de la nécessaire réconciliation de l'espèce humaine avec la nature et, à ce propos, de l'ancestrale sagesse des peuples aborigènes.


Merci à Babelio et aux éditions du Seuil pour cette belle découverte de la toute nouvelle collection Voix Autochtones.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Non, C'est pas vraiment un mélo dans le bush.
Parle plus fort, j'suis dans la cuisine, tu dis quoi ? Que ce roman te met l'eau à la bouche !
Pourquoi, c'est érotique ? Tu m'excites…
Non, ç'est plus que ça m'exaspère, me tracasse, me titille. Genre, tu vois, si un jour Netflix s'empare de ce black-scénar le bandeau sera :
+16, violent, langage grossier, violence sexuelle, drogue, LGBT, alcool, pédophilie, racisme, ségrégation.
C'est plus un bandeau, c'est une bannière !
Plus je lisais, plus je me suis senti obligé d'en choisir une de bannière. Ça n'a pas été facile tant j'étais tiraillé entre les dégénérés, les parvenus, les agressés, les délaissés, les alcooliques pour oublier et les disparus pour disparaitre.
« Une bande de mecs en plein bush se racontant combien ils sont tous merveilleux, et combien on les traite mal. »

Dans tout ce fatras et leurs charabias, il y a les familles qui étaient là avant que la capitaine Cook débarque : les « blackfellas » et celles qui envahissent le pays des autres et les assassinent en appelant ça la civilisation comme par exemple la bande à Jim Buckley cet enfoiré de maire qui veut vendre l'ile des ancêtres aborigènes pour en faire une prison. J'ai nommé : les « whitefellas ».
J'te rassure, ils sont tous carrément fêlés mais c'est parfaitement bien expliqué même si parfois et je ne tiens pas à faire la fine « bush » mais un glossaire aurait été aussi indispensable qu'un dispensaire pour Goories dans le Queensland un soir de beuverie.

Celle qui parle aux corbeaux parle aussi en « bundjalung » et écrit comme celle qui parle à tout le monde et c'est surement ce qui donne ce côté hypnotique et tellement attachant à ce roman. Finalement, ce récit émaillé de nombreux dialogues croustillants est aussi cocasse que déroutant et aussi bordélique qu'émouvant.

« T'en as mis du temps à montrer ta tête, lança Pretty-Mary à sa fille depuis la table de la cuisine, d'un ton acide. Tu t'es rappelé d'un coup que cette vieille autoroute vers l'enfer était à double-sens, hein ? »
La fille, c'est Kerry, la colonne vertébrale du roman et de cette grande famille du genre « Affreux, sales et méchants » à la sauce wallabies et leurs conseils de famille, c'est de la bombe. « Je suis tellement hot que je pisse du napalm, baby. »
Ils ont tous quelque chose à défendre, à expulser, à cacher, à vomir, à exorciser, à se faire pardonner, à excuser. Note bien que ça donne de la très bonne matière à lire…

« L'a fallu qu'on s'endurcisse pour pouvoir survivre, qu'on devienne aussi durs que ce vieux rocher, là-bas. Mais la dureté qui nous a sauvés, elle va nous tuer si elle continue encore trop longtemps. Les gens sont pas des rochers. »

Je remercie encore Babelio pour ce voyage privilégié et l'éditeur Seuil de m'avoir fait découvrir leurs « Voix autochtones » et surtout pas atones.



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Mélissa Lucashenko a le sens de l'humour et beaucoup d'esprit, pas de pathos et pourtant ce livre raconte lui aussi l'effort d'acculturation, le vol des terres, la séparation parents-enfants. J'aime beaucoup son style et ce mélange de mots aborigènes qui facilite l'immersion dans cet univers.
Je viens de passer quelques jours dans l'Outback Australien, à Durrongo, un beau voyage ainsi qu'un énorme coup de coeur.
C'est une histoire de haine, de racisme où la souffrance d'un jeune homme va atteindre toute une famille.
« Owen survécut au châtiment qui suivit sa victoire. Il rentra chez lui en héros, sonné par cette violence d'un nouveau genre qu'il y avait dans le monde, et refusant net de répondre aux questions de M. Lewis sur son visage défiguré, ses jambes ensanglantées. Il avait compris très tôt ce soir là que le prix à payer pour sauver sa peau serait le silence. Et quand Owen finit par mourir, très vieux, dans une maison loin là-bas dans le sud, sept décennies d'agonie étaient emprisonnées en lui, maintenues tout au fond par l'alcool, une fierté à toute épreuve et divers actes d'une grande cruauté que sa famille ne parviendrait jamais vraiment à oublier.»
Avec le clan Salter c'est explosif, tous sont extravertis et les relations conflictuelles. À chacun ses cicatrices, nous saurons tout au fur et à mesure. Ce clan est capable du meilleur comme du pire mais ce regroupe très vite pour faire face aux whitefellas (hommes blancs).
Quand Kerry retourne chez elle, sa petite amie vient de la jeter pour cause de prison et elle doit se cacher de la police. Pour tous bagages, elle a sa moto et le butin. Kerry est mon personnage préféré, elle est tout à la fois le témoin de sa famille bien spéciale dont elle tire des leçons qu'elle ne suit pas forcément. Elle monte vite au créneau, dépasse les limites, sort avec un dugai, Steve, un écossais connu au collège.
« Sa langue trop bien pendue, son problème depuis toujours. Et plus elle vieillissait, plus elle avait du mal à garder ses opinions pour elle. L'avalanche de conneries déferlant sur ce monde l'aurait noyée, si elle n'avait rien dit ; le moins qu'elle pouvait faire, c'était exprimer sa colère. Passer une bonne soufflante à tous ces connards, puis leur tenir tête ou bien se tirer en courant. »
C'est aussi la découverte de la nature, des totems, d'un peuple qui tente de conserver ses racines et de les transmettre aux autres malgré l'alcool, la drogue, la misère, il y a beaucoup d'entraide.
Il vous faut aussi découvrir l'histoire d'Elvis ce membre de la famille si spécial.
Les révélations finales donnent à réfléchir mais je n'en dirai pas plus.
Celle qui parle aux corbeaux est le deuxième roman de la collection Voix autochtones éditions du Seuil.
# Cellequiparleauxcorbeaux #NetGalleyFrance
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Kerry Salter est une jeune femme d'origine aborigène, au casier judiciaire chargé de cambriolages divers et variés.
Aujourd'hui, son grand-père est mourant, et c'est avec les pieds de plomb qu'elle revient dans son bled natal paumé dans le bush australien pour revoir son Pop une dernière fois. Elle y retrouve aussi les autres membres de sa famille dysfonctionnelle, qu'elle avait fui quelques années plus tôt : un frère violent et alcoolique, une mère ex-alcoolique devenue bigote et diseuse de bonne aventure, un neveu anorexique replié sur lui-même et ses jeux vidéos, le fantôme d'une soeur disparue 20 ans plus tôt. Il n'y a guère que Black Superman, l'autre frère, qui réussit sa vie à la grande ville.
Alors que l'agressivité des uns et des autres fait ressurgir les vieilles querelles familiales, le clan apprend qu'une prison va être construite sur la terre sacrée de ses ancêtres.
Toute la famille fait bloc contre ce projet, qui cristallise un fléau séculaire à peine latent : le racisme. D'un côté les Blancs, riches, corrompus qui se comportent en maîtres sur ce continent que leurs ancêtres ont colonisé et spolié avec brutalité et sauvagerie. de l'autre, les Aborigènes, privés de leurs terres, de leur liberté et de leur dignité, considérés comme des sous-humains. L'écoulement des siècles n'a guère apaisé la haine, et dans ce roman la violence affleure à chaque phrase.
Bon alors, comment dire... J'ai bien compris le but de l'auteure : rappeler les horreurs infligées par les Blancs aux Aborigènes, et les combats (toujours actuels) de ceux-ci pour récupérer leur identité et leur héritage.
Mais pour moi ça n'a pas fonctionné. L'auteure semble vouloir justifier tous les comportements indignes, violents voire criminels des « blackfellas » par les brutalités (certes tout aussi criminelles) qu'ils ont subies de la part des « whitefellas » au cours des siècles. On ne fait donc pas vraiment dans la nuance. Ni dans le langage châtié, d'ailleurs, même si c'est peut-être adapté au contexte. Mais j'ai rarement lu autant de grossièretés par page (et il y en a plus de 400). Les personnages sont caricaturaux à force de contradictions et d'incohérences, à commencer par Kerry, dont on nous assène à tire-larigot qu'elle est lesbienne et qu'elle hait les Blancs, et qui, dès le premier chapitre, tombe amoureuse en un clin d'oeil d'un jeune mâle fringant et...blanc.
Par ailleurs, je me suis perdue dans la généalogie du clan, ennuyée dans les longueurs de ce roman qui tourne en rond, agacée de tous les mots aborigènes non traduits, qui même s'ils se comprennent globalement, m'ont tenue à l'écart de cette histoire.

En partenariat avec les Editions du Seuil via Netgalley. #Cellequiparleauxcorbeaux #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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critiques presse (2)
LeMonde
09 mai 2023
Melissa Lucashenko excelle à décrire les contradictions des siens, victimes pas toujours défendables. Riche et rythmée, rageuse et tendre, sa langue est proche de l’oralité. L’argot australien est formidablement rendu par le traducteur, David Fauquemberg.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LesInrocks
17 avril 2023
Dans son “Celle qui parle aux corbeaux”, prix Miles-Franklin 2019 (le plus prestigieux en Australie), Melissa Lucashenko dresse le portrait plein de force d’une famille aborigène en quête de justice.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (45) Voir plus Ajouter une citation
Donny s'était recroquevillé à l'intérieur de son ordinateur, où il se sentait en sécurité et où les sarcasmes de Ken ne pouvaient pas l'atteindre. Un ordinateur, c'était un cercueil où l'on se glissait en rampant pour y attendre la mort, médita Kerry, rongée par la culpabilité de ne pas avoir été dans les parages [...].
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Black Superman se tenait debout, seul, au bord de la rivière. C'était une journée magnifique, mais la fatigue érigeait un invisible mur entre lui et ce qui l'entourait. Il percevait vaguement les feuilles de l'eucalyptus et les ramures du pin luisant dans l'éclat du matin ; il voyait la rivière miroiter comme une avalanche de diamants broyés qui serpentait nerveusement, pressée de rejoindre la mer. Il distinguait ces choses mais n'était pas capable, ce jour-là, de profiter de leur beauté. Il était au bout du rouleau. Avec le peu de force qu'il lui restait, il se redressa puis entonna un chant dans la langue d'autrefois :
Grand-mère, grand père, venez à nous, votre sang, Grand-mère, grand-père, montrez-nous le chemin. D'un arbre invisible sur l'île lui parvinrent les cris des corbeaux. Puis le bruissement de la brise qui forcissait jusqu'à devenir un vent soutenu lui giflant le visage. Le pin du Queensland se mit à trembler et à se balancer. Black Superman remarqua tout cela et chanta de plus belle. Le vent forcit encore. Il secouait la cime des arbres, faisant valser le pin, son gigantesque tronc craquant dans ses efforts pour résister à ces puissances qui jouaient avec lui. Une petite spirale de poussière se forma sur la piste en terre, soulevant feuilles mortes et brindilles haut dans les airs, avant de les laisser retomber sur la rive rocheuse des flots, près du gros bloc où les cendres de Pop avaient été dispersées.. OK. Donc vous m'entendez, mais, mamie Ava, grandpapa Chiky Joe, mamie Ruth, ça n'est pas suffisant, pas aujourd'hui. Dites-nous ce qu'il faut croire... et aidez-nous à protéger notre pays, s'il vous plaît.
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_ On ira bientôt, lui promit Kerry en faisant tourner le panier tordu dans ses mains.
Les fibres de lomandra étaient agréables au toucher. Solides . Naturelles. Peut-être était-il temps de se mettre au tissage. De s'intéresser à la tradition, tout ça.
_ C'est quoi notre mot à nous pour ça ? demanda-t-elle à sa mère en reposant le panier.
_ Dhili, répondit Pretty Mary d'un ton plein de nostalgie. Mamie Ava disait toujours : « Yan bulloon, petite fille, va rivière et rapporte-moi punyarra dhili, et choisis des belles ! »
_ Ouah, classe, apprécia Kerry.
Mamie Ava était le lien : la dernière païenne de la famille à parler couramment la langue, avant que l'Église ne débarque et n'enfonce à la place le Notre Père dans la bouche d'une mamie Ruth de douze ans.
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C'était la première fois qu'Owen mettait les pieds dans cette bourgade en pleine cambrousse qui se prenait pour une grande ville. Le garçon n'avait jamais vu un ring de boxe surélevé comme celui qui l'attendait là, vide et menaçant sous cette éclatante lumière électrique. Le nombre de whitefellas en ce bas monde était une révélation. Des digais jaillissaient de toutes les portes, leurs visages blancs fixés sur lui, rien que des inconnus. Le grand espoir jaune, entendit-il grommeler l'un d'eux à la belle pièce de mouton qui pendait de son bras. Owen avala sa salive. Chez lui, ses ennemis étaient clairement identifiés : le révérend O'Sullivan, les gunjibal en uniforme, les services sociaux. Mais où était donc le serpent tapi dans cet enclos-là ?
( Incipit )
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Donny blêmit, sans pouvoir détacher son regard de l'écran. La baleine était son totem personnel, de sorte qu'il se sentait obligé d'apprendre autant de choses que possible sur cet animal, même les plus écœurantes ou douloureuses. Si mamie Ava avait encore été là, il aurait peut-être appris à les appeler depuis quelque promontoire de la côte, songea Kerry. Il aurait peut-être appris leurs chants particuliers et tout ce qu'il fallait savoir sur elles, mais oncle Richard, qui vivait à Lismore, leur avait juste transmis l'existence de ce totem, et le nom tribal de l'animal. Il revenait à Donny de décider ce qu'il allait en faire au XXIème siècle.
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Vidéo de Melissa Lucashenko
Toute sa vie, Kerry Salter a cherché à éviter deux choses : sa ville natale et la prison. Mais son grand-père se meurt et la police du Queensland la soupçonne de complicité dans un cambriolage. La jeune aborigène remonte donc sur sa Harley, direction Durrongo, sa rue principale, son pub, son ennui, ses sauvagesnormauxblancs… et sa famille fantasque. Car, entre sa mère qui tire les cartes dans les foires, son frère, sorte de koala géant alcoolique, et son neveu mal dans sa peau qui se rêve en baleine, Kerry aura fort à faire. D'autant que le maire entreprend de construire une prison sur la terre sacrée des Salter : la magnifique île d'Ava où leur ancêtre, pourchassée par les Blancs, s'est réfugiée pour y accoucher. La guerre entre l'édile corrompu et la famille Salter sera féroce.
Un roman grinçant et jubilatoire qui nous plonge au coeur du bush australien.
Melissa Lucashenko est une autrice bundjalung de la côte est de l'Australie. Très active dans la défense des droits des aborigènes, elle est co-fondatrice des Sisters Inside, une association qui vient en aide aux femmes incarcérées. Celle qui parle aux corbeaux est son sixième roman. Il a reçu le prestigieux prix Miles Franklin en 2019.

Traduit de l'anglais (Australie) par David Fauquemberg.
En savoir plus : https://bit.ly/3o2LT1x
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