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Critique de Woland


Préface et choix des textes : Françoise Morvan

ISBN : 9782737340864

La troisième et dernière partie de ce livre est la plus intéressante. Elle rapporte une foule de textes mettant en scène lutins et korrigans, ainsi que quelques dames blanches et fées gardiennes de cours d'eau ou de fontaines. Avant cela, les histoires où apparaît "l'Homme Noir" - le Diable - se laissent lire également car le Maître des Enfers, c'est de tradition, a rarement la part belle face aux Bretons, lesquels finissent toujours plus ou moins par le rouler dans la farine.

Le problème, c'est que les récits constituant la première partie, consacrée aux apparitions et fantômes divers en terre bretonne, se terminent pratiquement tous par une invocation à la prière, aux âmes du Purgatoire, à l'Enfer, etc, etc ... Bref, tout ce qu'Anatole le Braz, qui n'est en général pas en odeur de sainteté auprès de certains intellos et folkloristes bretons, n'a pas fait.

Avec le Braz, on a bien les malheureux pécheurs promis aux flammes de l'Enfer chrétien. Mais le rusé Anatole, probablement bien plus celte dans ses opinions qu'on n'a voulu le laisser croire, s'est bien gardé d'occulter le côté largement pré-chrétien de ces légendes et récits. Avec lui, le mysticisme propre à la Bretagne - et en général aux terres celtiques - ce mysticisme qui permettait à nos ancêtres d'aller au combat dans la certitude de leur renaissance, et ceci bien avant que le christianisme se fut répandu, pour le meilleur et pour le pire, dans toutes ces régions, est intact - et l'on peut même ajouter intouchable. Le Braz concède, c'est un fait, quelques prières marmonnées, quelques terreurs de bigotes et veut bien prier, à l'occasion, pour "les pauvres âmes du Purgatoire." Mais le peuple d'anaon - les morts, les trépassés - qu'il nous dépeint conserve une sauvagerie dans la malédiction, une pureté dans les manifestations et une intemporalité naturelle qui n'a pas grand chose à voir avec ceux que nous montre Luzel.

Le Braz croit au fantastique, au surnaturel, aux esprits dans les arbres, à l'incantation qui paralysera le spectre ou, au contraire, le libérera de ses chaînes. Luzel, d'une prudence toute catholique, gomme tout ça et le remplace, avec respect et terreur, par la volonté divine monothéiste. Le Braz a du panache, de la rondeur, et un grand talent de conteur. Luzel avance à petits mots, entre deux signes de croix bien judéo-chrétiens, et se borne à raconter platement. Le Braz, pourtant si décrié, a saisi l'âme de la Bretagne surnaturelle et a su la faire vibrer. Luzel affirme qu'elle ne peut avoir d'âme si elle n'est pas chrétienne.

Ce livre fut donc pour moi, vous vous en doutez, une grande déception que je vous conseille d'éviter. Lisez plutôt "La Légende de la Mort" d'Anatole le Braz : ça, c'est la Bretagne - la vraie, l'obscure, la mélancolique, la tourmentée, la celte. ;o)
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