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Critique de Cannetille


En cette année 2009, un jeune doctorant français est retrouvé étranglé dans un hôtel de Tbilissi, la capitale de la Géorgie. Conseiller à l'ambassade de France, René Turpin est chargé de suivre le développement de l'enquête menée par les policiers locaux, dont l'inspecteur Nougo Shenguelia avec qui il sympathise. C'est au fil des interrogations et des déductions conjointes des deux hommes que la narration progresse vers la résolution de l'affaire.


Lui-même ambassadeur de France en Géorgie de 2012 à 2016, Renaud S. Liautey, emporté par une maladie foudroyante au printemps 2022, quelque six mois avant la publication de ce second roman, présente suffisamment de proximité avec son personnage Turpin pour que l'on puisse les imaginer vaguement alter ego. Fin connaisseur du pays et de tout ce que sa situation entre mer Noire et chaîne du Grand Caucase, sur cette frontière invisible entre l'Est et l'Ouest en même temps qu'entre les Empires perse et ottoman, implique historiquement, culturellement et politiquement, il en brosse un tableau aussi lucide qu'amoureux qui fait le sel de cette par ailleurs toute romanesque et très réussie enquête policière.


L'appétit aiguisé par les spécialités culinaires que Turpin partage avec ses connaissances et amis du cru, l'on fait à ses côtés des rencontres, attachantes ou inquiétantes, qui toutes renvoient d'une façon ou d'une autre aux traces d'un passé soviétique mouvementé et terrible, ainsi qu'à l'ombre menaçante, toujours omniprésente, du grand voisin russe. de la terreur stalinienne à la guerre froide et à l'espionnage avec l'histoire rocambolesque mais véridique du britannique Kim Philby devenu agent double pour le compte de l'URSS, des tristes et majestueuses ruines de la ville thermale de Tskaltoubo au commerce florissant des vestiges de l'époque soviétique et aux milliers de Géorgiens relocalisés dans cette ville fantôme après avoir fui en 1993 le nettoyage ethnique consécutif à la guerre d'Abkhazie et à la proclamation d'indépendance de ce territoire pro-russe, entre un vieil apparatchik aux mains sanglantes et un plus jeune mais tout aussi puissant oligarque aux édifiantes méthodes d'enrichissement, l'on croise des personnages secondaires partagés entre le traumatisme et la nostalgie des temps anciens, toujours sur la brèche d'un sentiment de menace pas seulement latente : l'on continue à disparaître en Géorgie, et mieux vaut parfois ne pas se montrer trop curieux, surtout lorsque l'on risque de froisser l'oeil de Moscou.


Son écriture fluide, la justesse de son observation des hommes et la richesse de sa peinture de la Géorgie, tant contemporaine qu'historique, font de ce polar mâtiné de roman d'espionnage une lecture en tout point captivante et plaisante, et un bien bel hommage au peuple géorgien pour qui l'auteur éprouvait tant d'affection.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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