De même que la musique a besoin d’intervalles, et le poème de silences, l’imaginaire a besoin d’espace pour respirer. (p. 127)
Les enfants en bas âge mettent tout à la bouche quand ils découvrent le monde à travers la forme, la consistance et peut-être le goût des objets. Il semble que cette pratique disparaisse au fur et à mesure qu’apparaît le langage, grâce à un tour de passe-passe où les mots remplacent les choses. (p. 63)
Les sons l’emmènent au loin alors que le toucher fait de lui le prisonnier d’une réalité toujours proche. Le silence est l’horizon des aveugles. (p. 25)
Mais on ne peut toujours pas enregistrer la naissance d’une langue. La formation est trop lente et trop incertaine et l’on met ainsi au jour une vérité qui ne concerne pas seulement les phénomènes linguistiques, une vérité presque impensable, la plus difficile à admettre pour l’esprit humain : il n’y a pas d’origine. (p. 99)
De même, il faut oublier les mots pour bien écrire, ce qui ne veut pas dire les ignorer. Mais les laisser venir au lieu de les chercher, de les choisir comme s’ils étaient posés devant soi. (p. 23)
Les portraits solarisés des surréalistes, le clair-obscur des studios Harcourt photographiaient la gloire, avec ses personnages qui sortaient de l’ombre ou s’apprêtaient à y retourner.
Les studios de télévision qui offrent un quart d’heure de célébrité à tout le monde ont chassé les ombres : ils éclairent d’une lumière égale et crue des individus transparents, parfaitement interchangeables. C’est la lumière avec laquelle on éclaire les cellules quand on ne veut pas que les prisonniers dorment ou pensent. (p. 37)