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Critique de Kirzy


Je suis une lectrice exceptionnellement téméraire, même pas peur de me confronter à une horde de zombies ou aux crimes les plus gore détaillés au micron. Mais voilà, je ne suis pas courageuse, surtout depuis que je suis devenue maman. Je fuis avec une lâcheté assumée tout livre mettant au centre la mort d'un enfant, surtout s'il relève du vécu.
Je suis donc clairement sortie de ma zone de confort avec ce roman classé autofiction qui annonce la mort d'une petite Rose dès le premier chapitre, d'une leucémie, à l'hôpital Necker. J'ai choisi de faire confiance à l'auteure qui m'a proposé cette lecture.

Je pense que si le roman avait été un récit-témoignage type journalistique, je n'aurais pas poursuivi au-delà de quelques pages. Il fallait dépasser le terrible et cela ne pouvait passer que par la forme romanesque, la seule à pouvoir réellement transcender la douleur et raconter la perte inacceptable.

Hélène Machelon y parvient brillamment grâce à une construction intelligente qui apporte souffle et lumière à ce huis clos hospitalier. Huit chapitres. A chaque fois au «  je » de la mère répond en miroir un «  je » d'un autre qui a gravité autour de Rose dans ses dernières semaines de vie puis sa mort : pédiatre, clown, infirmière, gestionnaire administrative des dossiers «  décès », aumônier, thanatopracteur, vieille tante. Très belle idée qui m'a fait plusieurs fois pensé à la sublime choralité de Réparer les vivants de Maylis de Kerangal. On est bien dans de la littérature, la vraie.

Je ne suis pas sûre que l'écriture répare les vivants, ceux qui restent après la mort d'un proche. Mais ce qui est sûr, c'est qu'Hélène Machelon sait dire avec force la révolte, l'indignation, la fatigue, la colère, la sidération, la souffrance abyssale des vivants à travers les voix des différents personnages ( magnifiques, notamment l'aumônier et le thanatopracteur ). Son écriture est incroyablement juste et précise, souvent crue, parfois drôle même. Tellement sincère qu'elle touche à l'universalité. Et avec dignité, sans jamais tomber dans le pathos. C'est très facile de prendre en otage les émotions du lecteur avec la mort d'une enfant. Là, si mes larmes ont coulé, ce n'est pas parce qu'elles ont été racolées mais parce que les mots m'ont prise à certains moments, sans que ce soit les mêmes que pour un autre. Je me suis sentie libre en tant que lectrice.

L'infirmière de Rose : «  Mes tripes parlent et dès que j'entre dans le service, les odeurs me tordent le ventre et me filent la chair de poule. Mais je sais plus encore pourquoi je suis là. Je sais à présent d'où vient l'essence du courage et la bravoure qui se distille dans les veines de chaque mère. Etre mère fortifie les plus faibles, désinhibe les plus réservées, retient les plus libres et anime les plus fades.
Je sais d'où vient la folie des louves. »

Un roman très intense sur un sujet douloureux qui se transforme en ode à la vie.
Je souhaite de tout coeur que cette auteure profonde soit rapidement repérée par une belle maison d'édition. Trois petits tours est publié en auto-édition.
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