Si je suis allé au Mexique - jusqu'au pays des Tarahumaras d'Antonin Artaud-, si je me suis engouffré à l'extérieur, ce n'est pas pour sortir de moi-même, mais bien pour m'y enraciner.
A cet égard, je suis formel. On a beau chercher quelque chose, le rêve, la transcendance, le passé, l'oubli, la littérature, la perte, la retrouvaille, aller loin, très loin, dans un destin que l'on suppose ne pas être le sien, on ne trouve toujours que soi.
Quand on creuse dans le malheur, on arrive au magma originel - la moelle même de l'âme.
Je me retrouve avec eux sur un pied d'infériorité.
Je donnerais toute la frénésie de mon cœur pour obtenir les atomes de leur incapacité sociale, leur incompréhension du monde contemporain, leur inadaptation à une ville de plus de 900 habitants, leur insouciance, leur ignorance, leur étonnement! J'échangerai tout pour quelques dizaines de ces atomes. p147
Tout va bien, à l'exception près que je suis mort.
Ce n'est pas que je n'ai plus rien à voir avec le monde sensible, c'est que dans ce monde, je n'ai plus rien à voir avec moi-même.
Tout ça me touche au cœur, et par le chemin le plus cruel.
Le rêve craque, s'effrite et part en lambeaux. Quelques morceaux de ce songe éthéré, et une certaine tristesse me dégringolent dessus. Je rumine mon dégoût et ma mélancolie.
Dans le ciel, au-dessus des nuages couverts d'essence, la lune est un œil noir. D'une lueur inquiétante. Je me dépêche de rentrer. Mais elle court derrière moi, et la peur me rattrape.
Mais voilà. Ce type invivable, qu'on voulait mort - ou réduit au silence, c'est pareil-, a fixé son être dans chaque mot imprimé sur la page, et s'est imposé au monde. C'est la plus belle réponse de l'invaincu.
Le corps est un univers qui se dégrade, jusqu'à la putréfaction.
Quand les Américains ont envahi le Mexique pendant la guerre américano-mexicaine, entre 1846 et 1848, les soldats états-uniens portaient des uniformes verts, et les locaux leur criaient "Green Go Home!". Gringo vient de la contraction de ce slogan.
La littérature n'est traduisible que par des mots. Dès que les images s'imposent à l'imagination, c'est le foutoir.