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Critique de Krout


Krout
26 décembre 2016
"Cela faisait longtemps qu'un accrochage ne m'avait pas troublée autant." p.206
Choc brutal suivi d'un long malaise, pareil à ma première exposition à Picasso. Quelle force !
Ce roman est un jaillissement.
L'éruption d'une énergie interne hors du commun.
La terre a tremblé sous mes pieds. Une secousse qui laissera des traces.
Je le sens très profondément une digue s'est brisée. Il aura suffit d'une fissure qui se propagea toujours plus loin au fil des pages.

Je me cogne à cette énergie, elle me malmène, me renverse.
Je suis pris à la gorge.
Je vacille un instant, bousculé dans mes convictions.
Et comme chez Picasso, cette débauche d'énergie chez les personnages éclate aussi niveau sexe.
Ainsi est Olympe, androgyne de trente-sept ans, bi, galeriste par métier et par passion, étoile déjà montée au firmament de la notoriété. Etre solaire sur lequel débute ce roman.
Le feu au cul. Attention, chaud devant !

Mais surtout ne pas croire que tout gravite autour d'elle. Les rencontres, se font finalement au hasard et par nécessité. Elle se font dans l'instant. Attirances, répulsions, elles resteront forcément éphémères. Ainsi Paul, chercheur de planète, puits de lumière et de science. Soudain sa propre gravité est chamboulée. le voilà détourné de sa trajectoire initiale "pour atteindre à s'en écarteler, pour atteindre l'inaccessible étoile" *. Il continue son chemin sur une nouvelle orbite à un niveau d'énergie plus élevé.
Puis Khalia, elle est, elle est déjà, mais ne le sait pas. Olympe va lui permettre de se révéler, à elle-même. Alors pour un temps "Khalia est un buvard. [...] Elle est une absence vorace. Une éponge intarissable." p.98 Khalia en phase de construction. L'avenir ouvert devant elle.

Enfin il y a Solal, ange déchu qui bat de l'aile, peintre has been qui n'a jamais lâché son art. Olympe veut le ramener à la lumière. Nous assisterons éblouis à un dernier embrasement, le plus beau celui d'une géante rouge. "Puisque Solal ne cherche ni la beauté, ni la sagesse, il cherche le fracassement. La déchirure. Dans l'espoir inavouable de déchaîner des forces. En affirmant ce "là" radical, Solal constate la catalepsie mais refuse l'effacement" p.122

Les indociles, nous fait vibrer auprès de quatre univers. Quatre êtres guidés de l'intérieur. Chacun sur sa trajectoire propre. Etres rares. Etres libres. Autoréférencés. Bousculant les codes chacun à leur propre façon (je vous invite à comparer Khalia et Olympe, Olympe et Paul lors de votre lecture). Les indociles, pour reprendre ce titre mal choisi, sont bâtis sur la différence. C'est ce qui les rend rares et précieux. Car il n'y a qu'eux pour bouger les lignes, fut-ce violemment.

Chtchoukine en était un. Unique talent de découvreur. Contrairement à Olympe, pas de galerie, une collection créée par passion, contre vents et marées, malgré les moqueries et quolibets. Magnifique. Exceptionnelle. Et temporairement à découvrir à la Foundation Louis Vuitton. Aucun obstacle ne saurait être insurmontable pour celle ou celui qui veut. Je ne vois pas de plus beau préambule à la lecture de ce roman insolent.

Seul le titre est à changer. Les indociles, comme si on pouvait les classer. Créer une nouvelle catégorie. Cruelle ironie, comble de l'hérésie. Non, inclassables ils sont ; libres ils doivent rester.
Les singuliers. Voilà un titre autrement fort. Les singuliers au pluriel, un titre qui interpelle et qui révèle, beaucoup plus qu'il n'y paraît.^^

Somme toute, ce roman : "Ce n'est pas qu'il chante bien : il palpite." p.105 du reste je n'aime rien tant que quand une fin recèle un commencement.

* Brel, L'homme de la Mancha : La quête.
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