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Critique de isanne


isanne
17 septembre 2023
Assis près de la tombe du Père de Foucauld, le narrateur contemple le Hoggar en attendant le retour des hirondelles. Spécialiste de l'étude des migrations de ces dernières, il espère les voir revenir dans le désert dont il est persuadé qu'elles gardent, de génération en génération, le souvenir ancien d'un espace de verdure où les cerfs venaient se reposer.
S'il pleut, les oiseaux reviendront survoler un peu du Hoggar et le narrateur patiente, plein d'espérance de cette vision, tout en attente.

Au sein du groupe d'hommes qui l'entourent, au coeur de cette culture targuie, de "sa caravane", à l'écoute des mélopées du poète qui les accompagne, les esprits se souviennent et les bouches racontent, le temps enfui se fait images, les êtres rencontrés ou simplement croisés, présence.

Des pas qui le mènent à la rencontrer les oiseaux, il se remémore ceux qui l'ont mis dans les traces des ours durant les temps de guerre en Bosnie, pas de "migrations" pour les mammifères étudiés mais une "errance", et là, davantage, une échappée pour fuir la tourmente, quand même la forêt la plus profonde ne peut offrir de refuge.

Il se souvient d'Amapola, l'ourse dont ses mains ont tenu la tête, avec autant de douceur qu'il mettait à tenir le corps d'une hirondelle, avec autant de précaution que celle qu'il prendra pour tenir le visage de "La Parfaite".
"La Parfaite" : femme errante symbole du berceau des Cultures, native du Caucase, qui traverse les terrains de combat comme une allégorie de la Beauté sacrifiée ou de l'Innocence piétinée.

L'homme des oiseaux narre ses pérégrinations, ses rencontres multiples avec cette femme partout à la fois, et chaque jour ailleurs, sans peur, confiante encore dans l'Homme et protégée par la canopée des noyers qui l'abritent.



Difficile de résumer ce livre, d'évoquer son propos, je le classe parmi "les livres-caméléons", de ceux que chaque lecteur aborde selon sa vision du monde, votre lecture sera peut-être un regard tout à fait différent de celui que j'ai posé.
Récit précieux, les mots prononcés et partagés comme des liens entre tous, comme une victoire toujours renouvelée sur les abominations dont sont capables les hommes, parce que l'oralité tissent des attachements là où pourraient se dresser des murs, et fait vivre les traditions et la richesse de toute ethnie...

Tout au long de la lecture, je n'ai cessé de penser au livre de Velibor Čolić "Ederlezi" évoquant ces musiciens éternels, incarnations de la Culture tzigane, toujours opprimés, toujours martyrisés mais qui toujours renaissent. On ne peut les nier à jamais.

"La Parfaite" est une autre image du même thème à mes yeux : le sacrifice de ce qu'il conviendrait de tolérer chez l'autre avant de juger.



La "Beauté", dans ce monde, mérite sa part d'irréalité pour être tenue entre nos mains, elle palpite comme le corps de l'hirondelle blessée qu'on craint d'étouffer, elle tressaille de sa fragilité, toujours éphémère, toujours renaissante, toujours présente au coeur des Hommes qui acceptent de la contempler.
Pour combien de temps encore, la protégerons-nous ?
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