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Critique de michfred


Un Playmobil rouge et un bouton de polo turquoise.

C'est tout ce qui reste à  Nava de son fils Hillel et de Boaz, son mari : le reste a été broyé dans le choc de deux voitures enchevêtrées.

Elle est belle, Nava, encore jeune, elle a un boulot intéressant, un frère et une belle-soeur aimants et attentifs, mais elle ne veut plus jouer. Elle se retire du jeu.

Elle se retire dans une seniorerie de luxe, La Maison Bleue - tout le contraire de celle qui est accrochée à une  colline de San Francisco  et dont on a jeté les clés-  un mouroir chic, avec poissons rouges, gardien et portier, peuplée de riches  vieillards (et surtout de vieillardes. ..) qui n'attendent plus rien de la vie, sinon qu'elle arrête ses cahots, et dodeline doucement  jusqu'au terminus, plus très lointain. Nava  achève de se désintéresser de l'existence en prenant un boulot de caissière à mi-temps dans une supérette.

Pas gai-gai, tout ça,  me direz-vous. ..dit comme ça,  en effet: pas gai-gai, et peu propice à me redonner une envie de lire qui, mauvais signe, me fuyait  depuis quelque temps, .

Eh bien pas du tout!

En déplaçant volontairement son pion sur un échiquier sans enjeu, Nava  va faire des rencontres et des découvertes.

Elle va découvrir ses pulsions, ses désirs. Comprendre qu'il n'y a pas que le malheur des autres qui l'aimante mais qu'elle peut être bouleversée par l'odeur tendre du cou d'un enfant... jusqu'au raptus, que le regard perdu d'un pauvre handicapé mental peut fédérer quelque chose qui ressemble à une famille, que les géologues découvrent des laves brûlantes, comme dans la chanson, dans les volcans qu'on croyait éteints,  que les chutes les plus terribles sont parfois des résurrections.

Elle rencontre Schlomi, menuisier aux mains d'or et au coeur fraternel, Ola, la caissière la plus sexy, la plus malchanceuse en amour, la plus généreuse en amitié,  Bily et Tsili, soeurs siamoises et divinités tutélaires du muffin et du napperon, la belle et terrible Zohar, chasseuse de papillon aux pognes de démiurge,  sans parler de Yonina, sa belle-soeur de choc et de coeur,  qu'elle connaît bien mais dont elle saura apprécier le parler vrai et l'aptitude aux raids  décisifs,Yonina qui, aux dires de son mari, Hanan, le menuisier, frère de Nava, pourrait à elle seule remettre de l'ordre dans la Maison Blanche ou ramener la paix en Palestine!

Et elle se découvre elle même. 
Découvre qu'elle est encore vivante.
Qu'elle peut vivre, qu'elle veut vivre, qu'elle peut réchauffer la vie, et même la dispenser...

Un roman attachant, vibrant, chaleureux.
Risquons le mot: un roman optimiste (mais pas  un de ces insupportables "Feel good books") , qui redonne confiance dans l'existence, foi dans le hasard et ouvre passionnément nos antennes à ce que les autres vivent, à ce qu'ils ont à nous apprendre, à ce qu'ils ont à nous donner. Et à tout ce que nous pouvons leur donner en retour si nous acceptons d'ouvrir nos ailes de papillon sur le monde...

Par le biais de son humour, Mira Maguen donne du champ à l'émotion et,  au coeur des péripéties les plus cocasses, elle sait soudain ménager un temps de pause pour s'ouvrir à l'émotion. Son écriture est fine, sensible, non convenue- pleine de surprises- joyeuse et tendre.

On  suit, charmé(e), le rire aux lèvres et les larmes aux yeux,  le retour à la vie d'une jeune femme attachante, on relève, face à sa volonté farouche d'y résister,  les progrès d' un  travail de deuil involontaire.  En même temps , comme dans la vie, rien ne se conclut ni ne se résout vraiment : les dilemmes persistent, certaines opportunités se referment, et l'attachement aux disparus reste inébranlable, mais cette petite fissure dans la cuirasse que Nava s'est imposée,  nous la vivons nous aussi comme un appel d'air, une promesse..

Merci encore une fois à Magic Booky pour ses prescriptions salutaires , amicales.. .et précieuses!

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