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Citations sur Voyage autour de ma chambre (63)

J'ai entrepris et exécuté un voyage de quarante-deux jours autour de ma chambre. Les observations intéressantes que j'ai faites et le plaisir continuel que j'ai éprouvé le long du chemin, me faisaient désirer de le rendre public la certitude d'être utile m'y a décidé. Mon cœur éprouve une satisfaction inexprimable lorsque je pense au nombre infini de malheureux auxquels j'offre une ressource assurée contre l'ennui, et un adoucissement aux maux qu'ils endurent.
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Que la peinture est un art sublime ! pensait mon âme; heureux celui que le spectacle de la nature a touché, qui n'est pas obligé de faire des tableaux pour vivre, qui ne peint pas uniquement par passe-temps, mais qui frappé de la majesté d'une belle physionomie et des jeux admirables de la lumière qui se fond en mille teintes sur le visage humain, tâche d'approcher dans ses ouvrages des effets sublimes de la nature. Heureux encore le peintre que l'amour du paysage entraîne dans des promenades solitaires, qui sait exprimer sur la toile le sentiment de tristesse que lui inspire un bois sombre ou une campagne déserte !
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Il n’en est pas de plus attrayante, selon moi, que de suivre ses idées à la piste, comme le chasseur poursuit le gibier, sans affecter de tenir aucune route. Aussi, lorsque je voyage dans ma chambre, je parcours rarement une ligne droite : je vais de ma table vers un tableau qui est placé dans un coin ; de là je pars obliquement pour aller à la porte ; mais, quoique en partant mon intention soit bien de m’y rendre, si je rencontre mon fauteuil en chemin, je ne fais pas de façons, et je m’y arrange tout de suite. 
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CHAPITRE XV.

« Tiens, Joannetti, lui dis-je, raccroche ce portrait. »

Il m’avait aidé à le nettoyer, et ne se doutait non plus de tout ce qui a produit le chapitre du portrait que de ce qui se passe dans la lune. C’était lui qui de son propre mouvement m’avait présenté l’éponge mouillée, et qui, par cette démarche, en apparence indifférente, avait fait parcourir à mon âme cent millions de lieues en un instant. Au lieu de le remettre à sa place, il le tenait pour l’essuyer à son tour. — Une difficulté, un problème à résoudre, lui donnait un air de curiosité que je remarquai.

« Voyons, lui dis-je, que trouves-tu à redire dans ce portrait ?

« — Oh ! rien, monsieur.

« — Mais encore ? »

Il le posa debout sur une des tablettes de mon bureau ; puis, s’éloignant de quelques pas : « Je voudrais, dit-il, que monsieur m’expliquât pourquoi ce portrait me regarde toujours, quel que soit l’endroit de la chambre où je me trouve. Le matin, lorsque je fais le lit, sa figure se tourne vers moi, et si je vais à la fenêtre, elle me regarde encore et me suit des yeux en chemin.

« — En sorte, Joannetti, lui dis-je, que, si la chambre était pleine de monde, cette belle dame lorgnerait de tout côté et tout le monde à la fois ?

« — Oh ! oui, monsieur.

« — Elle sourirait aux allants et aux venants tout comme à moi ? »

Joannetti ne répondit rien. — Je m’étendis dans mon fauteuil, et, baissant la tête, je me livrai aux méditations les plus sérieuses. — Quel trait de lumière ! Pauvre amant ! tandis que tu te morfonds loin de ta maîtresse, auprès de laquelle tu es peut-être déjà remplacé ; tandis que tu fixes avidement tes yeux sur son portrait et que tu t’imagines (au moins en peinture) être le seul regardé, la perfide effigie, aussi infidèle que l’original, porte ses regards sur tout ce qui l’entoure et sourit à tout le monde.

Voilà une ressemblance morale entre certains portraits et leur modèle, qu’aucun philosophe, aucun peintre, aucun observateur n’avait encore aperçue.

Je marche de découvertes en découvertes.
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CHAPITRE III.

Il y a tant de personnes curieuses dans le monde ! — Je suis persuadé qu’on voudrait savoir pourquoi mon voyage autour de ma chambre a duré quarante-deux jours au lieu de quarante-trois, ou de tout autre espace de temps ; mais comment l’apprendrais-je au lecteur, puisque je l’ignore moi-même ? Tout ce que je puis assurer, c’est que, si l’ouvrage est trop long à son gré, il n’a pas dépendu de moi de le rendre plus court ; toute vanité de voyageur à part, je me serais contenté d’un chapitre. J’étais, il est vrai, dans ma chambre, avec tout le plaisir et l’agrément possibles ; mais, hélas ! je n’étais pas le maître d’en sortir à ma volonté ; je crois même que, sans l’entremise de certaines personnes puissantes qui s’intéressaient à moi, et pour lesquelles ma reconnaissance n’est pas éteinte, j’aurais eu tout le temps de mettre un in-folio au jour tant les protecteurs qui me faisaient voyager dans ma chambre étaient disposés en ma faveur !

Et cependant, lecteur raisonnable, voyez combien ces hommes avaient tort, et saisissez bien, si vous le pouvez, la logique que je vais vous exposer.

Est-il rien de plus naturel et de plus juste que de se couper la gorge avec quelqu’un qui vous marche sur le pied par inadvertance, ou bien qui laisse échapper quelque terme piquant dans un moment de dépit, dont votre imprudence est la cause, ou bien enfin qui a le malheur de plaire à votre maîtresse ?

On va dans un pré, et là, comme Nicole faisait avec le Bourgeois gentilhomme, on essaye de tirer quarte lorsqu’il pare tierce ; et, pour que la vengeance soit sûre et complète, on lui présente sa poitrine découverte, et on court risque de se faire tuer par son ennemi pour se venger de lui. — On voit que rien n’est plus conséquent, et toutefois on trouve des gens qui désapprouvent cette louable coutume ! Mais ce qui est aussi conséquent que tout le reste, c’est que ces mêmes personnes qui la désapprouvent, et qui veulent qu’on la regarde comme une faute grave, traiteraient encore plus mal celui qui refuserait de la commettre. Plus d’un malheureux, pour se conformer à leur avis, a perdu sa réputation et son emploi ; en sorte que, lorsqu’on a le malheur d’avoir ce qu’on appelle une affaire, on ne ferait pas mal de tirer au sort pour savoir si on doit la finir suivant les lois ou suivant l’usage, et comme les lois et l’usage sont contradictoires, les juges pourraient aussi jouer leur sentence aux dés. — Et probablement aussi c’est à une décision de ce genre qu’il faut recourir pour expliquer pourquoi et comment mon voyage a duré quarante-deux jours juste.
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CHAPITRE XXXVIII

Je ne finirais pas, si je voulais décrire la millième partie des événements singuliers qui m'arrivent lorsque je voyage près de ma bibliothèque ; les voyages de Cook et les observations de ses compagnons de voyage, les docteurs Banks et Solander, ne sont rien en comparaison de mes aventures dans ce seul district : aussi je crois que j'y passerais ma vie dans une espèce de ravissement, dans le buste dont j'ai parlé, sur lequel mes yeux et mes pensées finissent toujours par se fixer, quelle que sot la situation de mon âme ; et, lorsqu'elle est trop violemment agitée, ou qu'elle s'abandonne au découragement, je n'ai qu'à regarder ce buste pour le remettre dans son assiette naturelle ; c'est le diapason avec lequel j'accorde l'assemblage variable et discord de sensations et de perceptions qui forment mon existence.
Comme il est ressemblant ! - Voilà bien les traits que la nature avait donnés au plus vertueux des hommes. Ah ! si le sculpteur avait pu rendre visibles son âme excellente, son génie et son caractère ! - Mais qu'ai-je entrepris ? Est-ce donc ici le lieu de faire son éloge ? Est-ce aux hommes qui m'entourent que je l'adresse ? Eh ! que leur importe ?
Je me contente de me prosterner devant ton image chérie, oh ! le meilleur des pères ! Hélas ! cette image est tout ce qui me reste de toi et de ma patrie : tu as quitté la terre au moment où le crime allait l'envahir [la révolution de 1789] ; et tels sont les maux dont il nous accable, que ta famille elle-même est contrainte de regarder aujourd'hui ta perte comme un bien fait. Que de maux t'eût fait éprouver une plu longue vie ! Ô mon père, le sort de ta nombreuse famille est-il connu de toi dans le séjour du bonheur ? sais-tu que tes enfants sont exilés de cette patrie que tu as servi pendant soixante ans avec tant de zèle et d'intégrité ? sais-tu qu'il leur est défendu de visiter ta tombe ? - Mais la tyrannie n'a pu leur enlever la partie la plus précieuse de ton héritage, le souvenir de tes vertus et la force de tes exemples : au milieu de torrent criminel qui entraînait leur patrie et leur fortune dans le gouffre, ils sont demeurés inaltérablement unis sur la ligne que tu leur avais tracée ; et, lorsqu'ils pourront encore se prosterner sur tac cendre vénérée, elle les reconnaîtra toujours.
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C'est ainsi que, dans mon voyage, je vais prenant des leçons de philosophie et d'humanité de mon domestique et de mon chien.
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Eh ! quel tableau pourrait-on vous présenter, messieurs ; quel spectacle pourrait-on mettre sous vos yeux, mesdames, plus sûr de votre suffrage que la fidèle représentation de vous-mêmes? Le tableau dont je parle est un miroir, et personne jusqu'à présent ne s'est encore avisé de le critiquer ; il est, pour tous ceux qui le regardent, un tableau parfait auquel il n'y a rien à redire.
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Mon frère et moi, nous étions comme les deux aiguilles d'une montre : il était la grande, j'étais la petite ; mais nous marquions la même heure, quoi qu'une manière différente.
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Enfin, dans la classe des hommes parmi lesquels je vis, combien n’en est-il pas qui, se voyant parés d’un uniforme, se croient fermement officiers, – jusqu’au moment où l’apparition inattendue de l’ennemi les détrompe ? – Il y a plus : s’il plaît au roi de permettre à l’un d’eux d’ajouter à son habit une certaine broderie, voilà qu’il se croit un général, et toute l’armée lui donne ce titre, sans rire, tant l’influence de l’habit est forte sur l’imagination humaine.
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