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Critique de jcjc352


Précisons-le ce livre de Majdalani Chérif est un roman. Bien que l'histoire apparait à certain moment c'est une ne pure fiction écrite comme un récit d'aventures dont l'action se situe dans le croissant fertile du moyen orient au pays du cèdre.
Une épopée clanique sur cinq générations de la fin du XIX siècle à nos jours en passant par la guerre civile libanaise de 1975
L'histoire met en scène un chef de clan qui vient, avec ses trois fils, s'installer comme métayer dans les montagnes libanaises. À force de travail de défrichage et de ténacité commerciale il acquiert un patrimoine considérable.
Pour éviter que celui-ci ne se morcelle au moment de l'héritage il impose à ses fils le serment dit de « L'arbre sec » qui énonce que le patrimoine reviendra à l'ainé et celui-ci aura, seul le droit de se marier. Les cadets l'assisteront dans la gestion du domaine.
Ce diktat, énoncé comme une loi divine, aura pour conséquence de scinder la famille en deux. Les possédants et maîtres et les autres
Chérif Majdalani nous conte une fable forte voire virile comme Khanjar le personnage principal véritable patriarche, agriculteur taiseux donnant seul le travail, négociant avec âpreté ses récoltes et ses conditions de métayer, édictant des lois qui vont engager durablement et pas pour le meilleur sa descendance, les personnages des aînés tout à l'image des pères et des cadets plus remuants et quelques peu velléitaires qui n'en feront pas moins leur chemin.
Épopée mâle et guerrière, véritable bromance familiale, basée sur la force seule car Khanjar signifie « couteau tranchant » les fils appelé Seyf « épée » Aci « rebelle » et Harb « guerre » donne une idée précise de cette famille belliqueuse et défricheuse
Le partage de l'héritage se fait sous l'égide de la loi patriarcale de mise au Moyen-Orient, loi ancestrale non remise en cause par les héritiers qui ayant fait alliance avec une femme au grand dam des pères patriarches se sentiront poussés à l'expatriation d'eux-mêmes ou par la fratrie
Les cadets auront donc, pour avoir un statut social autre que le célibat , à subir, de fait, l'exil .L'intérêt ici c'est que cet exil va mener les personnages à migrer et même surtout errer dans le monde entier Pour un héritier ce sera au Mexique en passant par l'Italie et par la peinture italienne. Pour un autre L'Asie centrale ou il se trouvera mêlé plus ou moins aux combats des cosaques et de l'armée rouge et la Chine .
Ensuite pour le dernier c'est par la France et la Grèce avec l'avènement des communistes en Europe centrale et qui verra en outre la guerre civile libanaise sans trop y participer.

Comme on le voit ce serment avec l'ordre de réduire la lignée au seul ainé hypothèque l'avenir des cadets et crée des turbulences qui seront fatales aux uns et aux autres. Majdalani nous dit que ses personnages dépossédés, errants et fugitifs « sous des dehors remuants et aventuriers, (ils) étaient des rêveurs et des contemplatifs » ils vont parcourir, ainsi, le monde pendant un siècle et demi
Cette narration , curieusement , nous est contée de plusieurs points de vue. Loin de favoriser la fluidité de l'histoire ces plusieurs voix vont introduire une certaine confusion et brouiller le récit .
Tout d'abord le conteur c'est un élément naturel la nature: un animal, un arbre qui fixe l'arrivée du premier patriarche comme une photographie. Ensuite les conteurs sont multiples et humains : les cadets d'une génération à l'autre qui se souviennent et se ressouviennent, les invités des cadets de pères qui interrogent et leurs fils qui réinterrogent.
C'est un peu compliqué et plutôt malheureux pour le récit mais on peut ne pas chercher à savoir qui raconte et cela ne nuit pas à la compréhension du texte. Bien au contraire. L' aspect positif étant que certains ont des doutes sur la véracité du récit et des lettres retrouvées et des zones d'ombre se dessinent.

Cette fable généalogique doublée d'une épopée pleine de bruit et de fureur ressemble étrangement au « dernier seigneur de Marsad » autre livre de Majdalani écrit en 2013. Cependant dans ce dernier l'action se situe entièrement au Liban et pendant une période restreinte celle de la guerre civile.
Cette dernière apparait dans « l'empereur à pied » et même des personnages et familles s'y croisent mais la différence essentielle se situe dans la multiplicité des lieux fréquentés par les cadets soit le monde entier ce qui ressemble bien au véritable essaimage de la diaspora libanaise à travers tous les continents.

On peut considérer que Chakib Khattar, chef de clan du dernier Seigneur de Marsad à Beyrouth est la version urbaine de Khanjar Jbeili et celui-ci la version rurale.

Majdalani parle avec chaleur de ces libanais pétris de tradition mais il le fait aussi sur le ton dense un peu journalistique et s'attarde parfois sur des précisions superflues afin de légitimer son récit. Il désapprouve humainement, mais c'est imperceptible, la réplication à l'infini et à l'identique du patriarche dans un monde prédestiné et immuable .
Le dernier des héritiers qui veut rompre avec cette tradition ne le fais toutefois pas car il retrouve chez ses neveux les gènes des aînés: avidité financière, vénalité, cupidité, neveux qui se feraient les fossoyeurs du patrimoine , patrimoine naturel miraculeusement préservé, en le livrant aux promoteurs .
Ainsi la tradition serait le dernier rempart à l'avidité des hommes.
Un livre épique dans la tradition des conteurs comme Cendrars avec « l'or », Kessel avec « les cavaliers » et même Conrad pour lequel Majdalani Chérif a de l'estime, livre qui se laissera lire sans difficulté et apportera une petite bouffée d'exotisme mais sur lequel il ne faudra pas s'attarder non plus.
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