Citations sur Le Fou de Laylâ (8)
"Voilà déjà vingt ans, Laylâ, que je t'espère,
Aux mêmes lieux trempés de mes larmes, à flots.
Ton amour de mon coeur malade est le bourreau.
Mais contre l'ennemi, s'il est aimé, que faire ?
Je vais où va Laylâ, et puis elle me laisse.
Telle est la vie : on se rejoint, se désunit.
J'ai, passée à mon coeur, je crois bien, une laisse :
Laylâ me traîne ainsi partout, et je la suis.
La nuit est mon chemin, mon voyage : il me semble
être le fou dont tout le corps se désassemble."
"Guérira-t-il de toi, ce coeur à la torture ?
Te revoir ? mais la flèche de mort va plus vite.
Je suis désir, amour, tremblement, déchirure :
Plus je veux m'approcher, et moins tu m'y invites.
Je suis le passereau dans la main d'un enfant :
Elle le presse, il goûte aux vasques de la mort.
L'enfant joue : à cet âge on ne sait pas encore
S'apitoyer sur l'autre. Et pour l'oiseau, comment,
Quand on a si peu d'aile, échapper en volant ?
Je sais, moi, mille endroits vers où guider mes pas...
Mais où aller, mon coeur, si tu ne me suis pas ?"
"Je promène mes yeux vers le ciel, dans l'espoir
Que ses yeux, fixés là, croiseront mon regard."
"Chez elle la beauté est vin, vin la salive,
Vin le plus velouté la douceur de ce teint.
C'est ainsi, tout compté, qu'elle assemble trois vins
Dont un seul vous enivre, ou l'ivresse ravive."
"Par ta vie ! C'est l'instant, entre tous, où tes yeux
Pleurent Laylâ, au vent qui souffle du midi.
Aimer ceux avec qui je vis, je ne le peux :
Loin du camp, le seul être à aimer est parti.
Quand le vent souffle et monde, au plus haut, je me sens,
Avec lui, au plus haut, proche parent du vent."
Je me souviens, Laylâ ! Les années d’autrefois !
Et tous ces jours ! Ô joies sans entrave, insouciance !
Vous passiez, jours, pareils à l’ombre d’une lance,
Et plus rapide encor votre ombre, avec Laylâ !
Vous étiez le bonheur… Ah, que j’étais heureux !
Je me souviens ! Thamdîn : on voyait luire un feu.
C’était Laylâ ! À Dhât al-Ghadâ, nos montures,
Pressées par les amis, couraient, forçaient l’allure.
L’un de nous, œil perçant, dit : “Je vois une étoile,
Là, seule, vers le sud, au cœur noir de la nuit !”
Et moi : “Non ! C’est Laylâ, ce feu qui brûle et luit…
"J'en jure par Celui qui voulut habiter
Thabîr et l'élever sous un dais de nuages,
Par la course éperdue sur le désert sauvage,
La monture amincie comme un fourreau d'épée :
A t'aimer trop longtemps, j'ai vécu, ô Laylâ,
En frère de la mort, car l'amour ment, parfois..."
"Le temps, pour un oiseau, de boire...
Aussi brève fut la journée,
Dessus nos selles emportées,
Avant que la nuit se fît noire."