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Critique de Sabrinaaydora


Niché dans la bulle glaciale du village de Montréal, "C'est comme ça que je disparais" de Mirion Malle nous entraîne dans un périple émotionnel au coeur de la vie complexe de Clara. L'auteure, déjà renommée pour ses BD donnant place et parole à la femme, nous immerge dans une tranche de vie douce-amère, subtilement teintée de mélancolie, qui aborde la dépression et le mal-être avec sensibilité et réalisme.

En tournant chaque page, on suit le parcours de Clara, une jeune québécoise dont le quotidien se fait peu à peu avaler par l'ombre de la dépression. La dépression est une maladie réelle que l'on n'invente pas, qui prends aux tripes, notre corps même nous dit « stop, je ne peux pas continuer à tout porter. L'esprit est dépassé et on se perd en nous-même. Les dessins épurés et émouvants captent l'écheveau complexe d'émotions qui étreignent Clara alors qu'elle jongle avec les crises d'angoisse, les moments d'épuisement profond, et la difficulté croissante d'apprécier les éléments censés apporter du réconfort. J'ai aimé la douceur du trait, je me suis reconnue dans beaucoup de planches.

Ce roman graphique établit cette connexion profonde entre le lecteur et l'héroïne. Qu'on ait personnellement fait l'expérience de la dépression ou que l'on cherche à la comprendre, les pages de "C'est comme ça que je disparais" résonnent d'une authenticité qui fait écho à une réalité délicate : il est difficile de parler de cette maladie, car il ne s'agit pas de « juste faire un effort », « regarder les choses du bon côté », « s'occuper pour aller mieux »… La maladie est bien plus complexe et propre à chacun dans son expérience. Il y a aussi ces dépressions où l'on sourit parce qu'on a appris à le faire, mais à l'intérieur, le vide, la douleur, l'incompréhension, l'épuisement… L'auteure évite adroitement les écueils du cliché et du stéréotype, plongeant au plus profond de l'expérience intérieure de Clara, entre les hauts et les bas, l'envie de s'ouvrir et l'instinct de se replier.

Mirion Malle explore avec une acuité émouvante le sentiment lancinant de solitude découlant de la dépression, le fardeau de l'isolement involontaire, et l'importance de l'entourage. Elle dépeint avec justesse l'épuisement mental et physique, l'angoissante sensation de vide incessant. L'oeuvre aborde également des thèmes importants pour l'auteure tels que le féminisme, la communication, la sororité, les années 2000, et les médias sociaux, tout en saisissant la vie à Montréal.

Si le récit propose une plongée profonde et compatissante dans la dépression, quelques nuances méritent d'être signalées. le cheminement de Clara pour trouver un thérapeute : il n'est pas facile de trouver quelqu'un qui nous convient, avec qui ça « matche » et la maladie mentale est souvent vue comme quelque chose qu'il faut cacher. Je pense qu'en abordant de façon plus conséquente cet aspect, cela peut apporter une dimension supplémentaire. Y a-t-il une raison, un élément déclencheur, ou un cadenas que l'on peut ouvrir pour tout comprendre de la dépression ? Cela dépend de chacun et des parcours de vie. En cela, je suis plus sujet à dire qu'il y a des possibilités, mais parfois, à chercher la raison, on dévie du chemin pour retrouver goût à notre vie.

En bref : Ce roman graphique est une oeuvre artistique et narrative qui brille par sa capacité à traduire la complexité de la dépression en des mots et des images. Mirion Malle use de son art pour ouvrir une fenêtre sur la réalité intérieure de ceux qui luttent contre cette maladie silencieuse. Empreinte d'émotion et de réflexion, elle offre une perspective authentique et dénuée de jugement, invitant les lecteurs à écouter, à comprendre et à se connecter avec ceux qui vivent cette réalité. Une oeuvre qui, par ses illustrations sincères et son exploration empathique, apporte une lumière nécessaire à un sujet trop souvent occulté.
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