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Critique de Denis3


La condition humaine. Quel sujet. Quel titre !

L'homme naît immensément vulnérable, et dépendant de la bonté, de l'amour de ses parents. Il ou elle n'est pratiquement que potentiel. Et le travail de l'éducateur consiste à soutenir, à éveiller, à aider à réaliser ce potentiel. Avec l'infinie patience que seul l'amour confère. La vulnérabilité d'un être social qui ne peut croître, ou vivre, qu'en compagnie de ses congénères.

Cette sociabilité a donc été vécue sur le mode de la dépendance. Et peut-être qu'un jour elle le sera à nouveau. Nous souvenons nous ? Craignons-nous le futur ( encore ?) lointain ? Est-ce pour cela que nous voulons diminuer notre vulnérabilité en rendant nos relations asymétriques, en rendant les autres plus dépendants de nous, et nous-mêmes libres de répondre à cette dépendance selon nos intérêts ou nos humeurs ?

Shanghai, 1927. L'empire du milieu achève de se désagréger en tant qu'État et en tant qu'ensemble géographique. L'armée des nationalistes, menée par Tchang Kaï-Chek, et les communistes, soutenus par l'Internationale, essayent de couvrir ce qui fut un immense empire afin de récupérer le pouvoir. Ni l'un ni l'autre ne sont déjà assez forts pour le faire, et il faut tenir compte des puissances étrangères établies en Chine. Alors, on s'est alliés, temporairement, contre ce qui reste d'empire. C'est ici, à ShangaÏ, que se déroule une étape de ce gigantesque marathon dont la ligne jaune se trouve à des milliers de kilomètres de Shangaï, à Pekin.

Les communistes ont organisé les ouvriers des usines et du port. Fort mal armés mais déterminés, ils prennent la ville. L'armée nationaliste s'approche de Shangaï, selon ses dires pour en chasser les partisans de l'empire. Et l'Internationale, prise en main par Staline, décide que le moment n'est pas opportun pour soutenir la révolution chinoise. Les camarades sont priés de remettre leurs armes aux nationalistes. Qui les passeront à la mitrailleuse.

Dans ce climat de misère, de lutte, d'héroïsme, de trahison, et de mort, chacun se (re)trouve confronté à son vécu de la condition humaine. Vulnérable, menacé, à qui, à quoi s'en remettre ? Pour quoi vivre, ou mourir? Comment et pour quoi vivre, quand l'on a survécu à la perte d'êtres chers, ou de ses idéaux ? Quelle mort justifierait une vie ? Quel travail ou quelle lutte justifierait de continuer à vivre ?

Autant de réponses que de personnages. Kyo, Katow, préfèrent lutter à mort. Vologuine suit aveuglément l'internationale. Tchen, qui ne peut lutter que seul, choisit la mort du terroriste isolé. Clappique, une sorte de clown en smoking, vivant de commissions touchées sur des affaires louches, ne peut ni vivre ni mourir, et se réfugie dans l'humour absurde en attendant la folie. König, chef de la police politique de Tchang KaÏ-Chek, lui-même torturé naguère par les communistes, ne vit plus que pour en torturer et en exécuter un maximum. Gisors, le père de Kyo, ne peut maintenir son lien au monde en l'absence de son fils. Il s'en désintéresse, et devient un homme absent.

A qui ou à quoi se vouer, pour quoi vivre ou mourir, comment combattre cette peur viscérale de l'absence, de la souffrance, de la mort ? Questions universelles, auxquelles ce livre ne prétend pas répondre. Mais il aimerait bien vous les proposer.

Quant à moi, intrigué, séduit, fasciné par la voix qui porte ce roman et qui parle à travers lui, je n'en ai pas fini avec André Malraux.








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