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Critique de loeil_de_poups


Le récit d'un combat perdu ; l'éloge d'une cause désespérée ; la plaidoirie pour la lutte... "La Condition Humaine" est un choc visuel et sensoriel, un ensemble de pages qui lacèrent l'épiderme et soulèvent le coeur ; une épopée tragique commencée dans le sang et la mort, achevée dans la douleur et la perte. C'est un souffle qui s'empare du lecteur et le prend jusqu'au cou, l'étouffe sous le poids de la puissance des mots et le place devant sa condition, sa condition humaine.

Les personnages sont pris dans un engrenage de violence, quand l'utopie communiste rimait avec la révolution et quand, dans son irrésistible quête du pouvoir, l'homme passe outre ses convictions pour régner, et se retourne contre ses frères de jadis. le Kuomintang et le Parti communiste chinois sont au coeur de ce drame où la fatalité semble s'amorcer à chaque page et s'écouler comme un sablier qu'on n'eût pu arrêter : Malraux, par son écriture à vif et dense de violence, met ici en scène le Massacre de Shanghaï de 1927, mais mieux encore, il parle des hommes, de ces êtres humaines qui y ont laissé leur vie, de ces mains qui ont tué, de ces yeux qui ont pleuré, de ces vies sacrifiées.

Et dans la Grande Histoire, la petite tient aussi sa place, et s'érige en égale dans sa consoeur. Car, sous couvert d'un langage à la sempiternelle beauté et dont l'élégance provient essentiellement d'un rythme saccadé et martelé qui fait se percuter les mots au parfum de mort, comme de vie par endroits, Malraux montre que derrière la velléités diplomatiques et les stratégies politiques de ces factions à la recherche du pouvoir, c'est l'Homme, dans son humanité comme dans sa folie, qui est en jeu et se place au sein de l'Histoire ; c'est l'Homme, même le plus faible, même le plus inconnu - Tchen, Kyo, Katow, vous êtes les artisans de la révolution, plus que vos dirigeants - qui fait L Histoire, qui fait le monde, qui le défait aussi. Alors, dans sa quête de déité, à la recherche du pouvoir d'asservir, l'Homme se place face à sa Condition : celle d'un être ambitieux, insatisfait, à la soif insatiable ; mais aussi, parfois, celle d'un héros de l'ordinaire, mort pour ses idées, embourbé dans une pensée dont il ne peut se défaire mais pour laquelle il donnerait sa vie. Donner sa vie pour une idée, "c'est stupide", dit l'un des personnages. Au final, le sentiment est double, la Condition Humaine l'est tout autant : l'Homme vit avec grandeur dans sa lutte ; il meurt toujours misérable.

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