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Critique de tamara29


Jean-Patrick Manchette avec « La position du tireur couché » nous offre un polar qui fleure bon la Série Noire. Manchette sait y faire pour nous faire plonger dans l'atmosphère. Un polar à la saveur d'un de ces bons vieux films en noir et blanc, du jazz pour accompagner les scènes d'action, le tout saucé d'un peu d'humour -noir- il va s'en dire.
Martin Terrier. Tueur à gages sans trop de scrupule, pas trop causant non plus, qui aime son chat, et surtout Anne, la fille de ses dix-huit ans. La jeune femme est d'un milieu plus aisé. Qu'à cela ne tienne, il lui fait promettre de l'attendre dix ans, le temps qu'il se fasse assez de blé pour qu'ils puissent enfin vivre ensemble, et pourquoi pas, aller se dorer la pilule sur une île des Caraïbes ou Ceylan… Mais, dix ans, c'est long.
Ça me rappelle un autre Patrick qui, quelques années plus tard, a voulu nous faire croire qu'on pouvait s'donner rendez-vous dans dix ans. Pourtant, il n'y a que les midinettes -qui n'ont pas lu Manchette- pour gober encore facilement ce genre de contes de fées. Parce qu'avec Martin, on a eu vite fait de comprendre que, malgré toute la volonté et la conviction du monde, cela ne va pas être si simple. Dans les histoires plus sombres avec quelques obsédés de la gâchette, y'en a toujours qui cherchent à nous mettre des bâtons dans les roues et à tenter de casser tous nos rêves. Dans le palmarès des plus pénibles, on a le boss qui ne voit pas d'un très bon oeil que Terrier veuille raccrocher les gants (ou plus exactement ranger son HK4 au placard).
Dix ans, pour lui, ça laisse du temps pour rayer définitivement quelques noms sur la liste des cibles dans le viseur. Et pour la fille lorsqu'on ne s'appelle pas Pénélope et qu'on n'aime pas trop faire tapisserie alors que l'autre est parti guerroyer et vivre pas mal d'aventures, on va pas forcément rester là à se tourner les pouces et à soupirer délicatement d'impatience… Faut bien passer le temps, faut bien que le corps exulte, comme dirait le grand Jacques. Et c'est chez le mari Félix que Terrier devra aller reconquérir sa belle.
Sans trop dévoiler, on peut dire qu'il y aura quelques exultations (parfois courtes), de rares sourires de Martin, si discrets qu'il ne faut pas les louper (j'aime bien pourtant quand Martin se laisse à sourire), mais aussi des corps qui prennent des coups, qui tressautent, expirent vite fait bien fait dans moult quartiers parisiens et de la banlieue. Vu le rythme de la balade, on n'a pas le temps de se prendre un guide touristique d'accord, ni de faire de belles photos souvenir non plus. Faut dire qu'y'a des boulots où on ne fait pas dans le détail, plutôt dans la précision, si vous voyez ce que je veux dire. Juste le temps de passer dans un bistrot pour s'offrir un p'tit remontant et c'est déjà reparti. Mais c'était une belle balade quand même, une de celles qu'on ne peut pas oublier.
Manchette ne fait pas dans la dentelle (ni dans les tapisseries et les descriptions à rallonge). Il y a pourtant un air de je-ne-sais-quoi, avec ces quelques notes de musique accompagnées d'un bon whisky et d'un goût de romance qui donnent à l'histoire (et à Terrier) pas mal de piquant et d'intérêt. C'est rapide et efficace comme le tir d'un silencieux, et bien plus politique et social qu'il n'y parait. Et si certains trouvent que les virées en DS donnent depuis quelques rouilles et rides à l'intrigue, pour ma part, 40 ans plus tard, c'est encore et toujours un incontournable… Merci Manchette.
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