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Critique de Saiwhisper


Lorsque j'ai eu à sélectionner 25 titres en tant que jurée du PLIB, j'avais repéré et voté pour « Ogresse », en particulier grâce à son résumé intriguant qui m'évoquait le cannibalisme ou les zombies. de plus, les notes sur les sites comme Babelio ou Livraddict étaient quasiment toutes positives. J'ai eu envie d'en savoir plus sur cette héroïne au prénom peu commun pour une fille : Hippolyte, alias « H ». Dès le début, la demoiselle a réussi à me faire ressentir de la compassion. Déjà en pleine adolescence où les émotions sont fortes et où les changements sont nombreux, « H » doit faire face à une modification au sein de son foyer, car ses parents ont divorcé. Or, si son père garde le contact, il brise les rares moments père-fille en critiquant son ancienne épouse. Quant à cette dernière, elle est terriblement étrange. J'avoue que, si j'avais été à la place de la narratrice, je n'aurais pas su comment réagir face à son comportement ou à son régime alimentaire. Cette mère de famille ne parle pas à sa fille, lui fait beaucoup de reproches, lui prépare uniquement de la viande saignante sans manger pas devant elle, puis va s'enfermer toute la soirée à la cave pour taper quelque chose… Une pluie d'éléments suspects va se succéder, troublant alors le personnage principal et le lecteur. Il y a bien sûr cette morsure et la disparition de la mystérieuse voisine dont fait mention la quatrième de couverture, mais aussi ce regard dérangeant que la maman jette à sa fille, comme si elle allait la constamment lui sauter dessus pour la croquer…

C'est cette ambiance sombre, inquiétante et pleine de non-dits qui m'a tenue en haleine. Il me tardait d'obtenir les réponses sur les agissements de cette génitrice vraisemblablement cannibale ou ogresse. J'étais également curieuse de savoir s'il en était de même pour l'héroïne qui ne cessait de manger de la viande malgré elle et dont le comportement est devenu de plus en plus trouble. Était-elle une fille d'ogresse devenant à son tour une adepte de chair sanguinolente ? L'auteure a plutôt bien su gérer le suspense. Même après avoir eu des explications, elle a su proposer une véritable descente aux enfers avec un final oppressant et intense. Cependant, à l'inverse des autres lecteurs, j'ai regretté le fait que cette atmosphère horrifique soit parasitée par énormément de chapitres n'ayant rien à voir avec l'affaire de cette maman mordeuse. « H » est une adolescente qui va au lycée et qui tente d'avoir une vie « normale ». Ainsi, on va souvent la suivre durant les cours, quand elle sort ou dans le bus avec ses deux amis Kouz et Benji. Je reconnais avoir mis du temps à m'attacher au binôme accompagnant Hippolyte, en particulier à cause des premiers chapitres où ils vont avoir des propos odieux envers la gente féminine. Par la suite, j'ai eu du mal à cerner Kouz qui est passé du connard montrant des nudes à ses potes pour se vanter au garçon sage, observateur, tranquille et compréhensif. Son changement de comportement m'a perturbée, car j'avais l'impression de ne pas avoir le même personnage sous les yeux. En réalité, j'avais plus d'attache pour Benji dont l'humour et les délires culinaires m'ont amusée. En revanche, le personnage de Lola m'a directement conquise, car son évolution au sein du groupe, sa relation complexe avec « H » ainsi que son passé trouble avec sa mère furent des éléments intéressants.

Les thèmes de cet ouvrage sont assez classiques : la relation mère-fille, le harcèlement physique, l'amitié, l'amour, les premières fois, etc. Malheureusement, j'estime que l'on aurait pu davantage exploiter ces points. le ton employé dans la narration colle à cette ambiance ado. La plume est fluide, on distingue ainsi des expressions de jeunes (enfin… ce sont celles que j'employais… Sont-elles encore d'actualité ?), du langage familier et quelques insultes de-ci de-là. Si j'ai été sensible aux émotions d'Hippolyte, à ses doutes et à sa détresse, j'avoue que j'avais parfois du mal à lui donner seize ans. Parfois, elle avait des réflexions enfantines qui ne collaient pas à son âge. Toutefois, je suppose que cela est dû au fait qu'elle a toujours été une jeune fille paisible et sans histoires avant de vivre cette mésaventure… « H » est une héroïne finalement complexe, ambiguë et étrange qui ne convaincra pas tous les lecteurs. Pour ma part, je ne sais toujours pas quoi penser d'elle, même en ayant terminé le roman. Cependant, je dois avouer apprécier ce sentiment incertain, car il y a un réel travail d'Aylin Manço autour de cette héroïne insolite.

Finalement, « Ogresse » me laissera un sentiment mitigé et pas mal d'incompréhensions. Je n'ai pas compris le choix de mélanger le genre thriller et l'épouvante au quotidien « classique » de quatre potes vivant de multiples expériences (drogue, mcdo, sexe, etc.). Certes, j'appréciais voir l'évolution de ce quatuor néanmoins, j'étais bien plus intéressée par le mystère autour de la mère de cette mère ogresse. À la manière de « Barbe Bleue », j'étais surtout impatiente que l'héroïne et ses camarades cèdent à la tentation de pousser la porte condamnée de la cave… Comme dit plus haut, les scènes scolaires ainsi que les interactions sociales ont trop pris le pas sur le reste, ce qui est dommage. Je regrette également le fait que certaines de mes attentes n'aient pas été comblées : en voyant que le titre était dans la sélection du PLIB, je pensais avoir affaire à un texte avec un minimum d'éléments fantastiques. Hélas, il n'y a pas d'imaginaire dans « Ogresse ». Je classerais davantage ce roman comme un mélange de roman contemporain, de romance, de polar horrifique et de thriller psychologique. Oui, cela fait un sacré cocktail ! Bref, « Ogresse » m'aurait laissé une saveur particulière dans la bouche : de bons éléments qui m'ont tenue en haleine, mais également des choses qui auraient pu être développées autrement.
Lien : https://lespagesquitournent...
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