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Critique de MarcelineBodier


Depuis que je participe régulièrement à des Masses critiques et que je reçois des romans à lire de la part de Babelio (que je remercie encore, ainsi que, cette fois, les éditions Harper Collins), j'ai découvert les romans américains calibrés pour le succès : c'est tout simplement captivant.

Quand j'ai reçu une proposition de Masse critique privilégiée pour Tangerine, je n'ai pas hésité longtemps. Le pitch était ultra alléchant : jeux de dupes, bienveillance trompeuse... tous les mots clé étaient là pour provoquer chez l'amatrice de romans à suspense que je suis un réflexe de Pavlov, « il me le faut ». L'auteure est inconnue, mais les auteurs auxquels elle est comparée sont ultra prestigieux et leur aura est incontestable : Daphne du Maurier, Donna Tartt, scénario à la Hitchcock et évoquant le talentueux Mr. Ripley... Pour le cas où il y aurait encore des récalcitrants, c'est Joyce Carol Oates qui synthétise le tout en bandeau sur la couverture : de quoi culpabiliser tout lecteur qui hésiterait encore.

Pour moi, ça a formidablement bien marché : je me suis inscrite, j'ai été ravie d'être sélectionnée, j'ai observé le livre pendant quelques semaines sur ma table de chevet en savourant l'attente du jour où je l'ouvrirais enfin, certaine que je passerais un merveilleux moment de lecture.

Ai-je été déçue ? Je serais bien ingrate si je disais que oui : tous les ingrédients annoncés sont bel et bien présents ; le suspense est là, l'ambiguïté, les retournements de situation... Leur dosage est parfait, la progression de l'intrigue est maîtrisée, le dénouement n'est pas entièrement prévisible.

Mais j'ai eu la même impression amère que celle que j'avais tentée d'exprimer après la lecture de L'assassin de ma soeur, il y a quelques mois : impression que le livre a été calibré, fabriqué, dans l'unique objectif de fournir toutes les armes à un chargé de com pour le vendre. Pour qu'il puisse prononcer les mots « suspense », « Daphne du Maurier », etc., en toute bonne foi : car en effet, il y a bel et bien tout cela, on ne peut pas parler de tromperie sur la marchandise. Par contre, on peut parler de marchandise, et c'est là que je n'adhère plus...

Il paraît que les Américains considèrent qu'écrire s'apprend et que c'est dommage qu'en France, nous vivions dans le fantasme du talent surgi de nulle part, qui se suffit à lui-même et trouve forcément à s'exprimer dès lors qu'il existe. Mais si apprendre à écrire, c'est apprendre à raboter tout ce qui dépasse, à distiller les informations selon un rythme millimétré pour maîtriser toute la progression vers la solution de l'énigme, à calibrer les personnages en révélant sur eux l'exacte dose de détails qui permet de s'en faire l'idée que l'auteur veut qu'on s'en fasse, à « montrer plutôt que dire » parce que c'est ennuyeux d'écrire « il est heureux » et d'explorer le monde interne qui en témoigne, alors que « son visage s'illumine d'un large sourire » offre l'exacte dose d'information dont le lecteur a besoin pour s'identifier au bonheur du personnage... bref, si apprendre à écrire, c'est intégrer des règles que l'on pourrait inculquer à une forme d'intelligence artificielle pour lui faire produire des best-sellers (ainsi qu'Antoine Bello l'a imaginé dans Ada)... alors c'est officiel, je n'ai pas envie d'apprendre à écrire !

Pour ce qui est des étoiles : si vous aimez les livres calibrés pour être des best-sellers, mettez-en cinq ; mais si vous aimez la littérature, n'en mettez pas !
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