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Critique de Kirzy


Rentrée littéraire 2021 # 11

Sylvain a un nez exceptionnel, capable de cerner la psychologie d'une personne rien qu'à son odeur. Forcément, on pense au Parfum de Patrick Süskind. Mais Sylvain n'est pas un psychopathe mais thanatopracteur et ce sont les morts qu'ils hument afin de les embaumer au mieux de ce qu'ils ont été. Forcément, on pense à l'univers de Six feet under tellement il est rare qu'un roman s'intéresse à ce métier-là. Mais il y a aussi quelque chose d'Anna Gavalda dans la manière de conduire ses personnages vers une dénouement bienveillant apportant la douceur de la résilience.

Au-delà de ces références, le Parfum des cendres est surtout un premier roman original qui chante sa propre musique avec une qualité d'écriture qui relève haut la main le défi de mettre en mots des sensations liés à l'odorat. Certaines descriptions du parfum des morts relèvent de la magie et emportent le lecteur dans un foisonnement sensoriels très évocateurs. En fait, c'est tous les sens qui sont convoqués pour parler de la mort avec une douceur rarement lue.

Voici le portrait de Giselle : « parfum chaleureux et végétal, la lourde et capiteuse puissance du patchouli sur ces bras massifs, plutôt flasques, bardés d'hématomes, des bras faits pour serrer – éventuellement pour étouffer – et pour s'agiter avec expressivité ... Une drama queen à l'orientale, le patchouli, fragrance liquoreuse, séductrice et entière, qu'on aime ou qu'on déteste, une note de fond, facilement entêtante, avec une tendance notoire à s'incruster. Et puis aussi, en humant bien, quelque chose d'autre .. quelque chose de plus tendre et léger, une note de tête, aérienne, fragile : le lilas. Et ce n'était pas un mélange parfaitement harmonieux, non, le lilas et le patchouli, l'accord était risqué et parfois dissonant, comme une guerre que l'un et l'autre se menaient au coeur de Giselle. Souvent à l'avantage du patchouli, qui écrasait tout, mais le lilas résistait, il surgissait brièvement puis se faisait de nouveau engloutir, et l'ensemble formait malgré tout un semblant de cohérence, une odeur poudrée, vibrante, très effective, nimbée de naïve coquetterie. »

Alors que Bernadette n'est que groseille : « Cette fragrance piquante et fruitée. Une bille écarlate qui éclate en jus acide, très acide sous es dehors pimpants, pas du genre à enrober le palais de douceur sucrée, la groseille, plutôt du genre à le picoter délicieusement – avec, de temps à autre, l'éclair d'amertume des minuscules grands qui cèdent sous la dent. »

Si la prose est parfois inégale, ou du moins plus ordinaire lorsqu'on sort du monde des morts, le personnage de Sylvain est parfaitement caractérisé, bourru et silencieux, semblant préférer la compagnie des morts à celle des vivants. Empli d'un mystère triste, il vit dans une prison de verre comme un mort sans rémission et ne peut que regarder le monde à travers une baie vitrée. Par contre je n'ai pas accroché avec celui d'Alice, jeune femme pleine de vie qui débarque dans sa vie pour rédiger sa thèse sur les thanatopracteurs. Leurs confrontations et interactions sont très prévisibles voire convenues, même si jamais l'auteure ne tombe dans le piège de la niaiserie potentielle.

Peu importe cette dernière réserve, lorsque le terrible secret de Sylvain est révélé, je me suis laissée attendrir, heureuse de l'accompagner dans son retour à la vie.
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