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Critique de mariecesttout


"Allongée, les yeux fermés, sur le lit de camp inconfortable, elle laissait ses pensées remonter doucement à la surface. A quoi ressemblait sa vie? Au milieu de toute cette confusion, elle avait un point de repère, un seul. Elle était enfermée dans un camp de rétention du sud de l'Espagne après avoir eu la chance de survivre alors que presque tous les autres s'étaient noyés, tous ceux qui avaient embarqué à bord du bateau pourri qui devait les amener là depuis l'Afrique........"

Tea-bag vient du Nigéria ,Tania de Smolensk, Leila d'Iran. Toutes trois ont échoué dans une banlieue de Göteborg, sans papiers, croyant ,comme les dix mille sans-papiers de Suède, y trouver liberté et sécurité, survivant dans la peur, la débrouille ,aidées par quelques-uns, rejetées par la plupart.
Jesper Humlin est un poète médiocre, dominé par son entourage,qui cherche un sujet d'inspiration lui permettant enfin d'acquérir la célébrité .
C'est le récit de la rencontre de ces deux univers complètement opposés qui est la toile de fond du roman de Mankell.Qui on le sait, est très attaché à l'Afrique et ses problèmes.

Roman que j'ai trouvé pas assez approfondi pour ma part. Quoi de plus différent que les parcours de tous ceux qui un jour se sont lancés ,tant ils étaient désespérés, dans l' aventure de l'exil à tout prix,dans des conditions aussi précaires? C'est dommage, car c'est un livre qui ose aborder avec honnêteté un des grands drames de notre époque, la tragédie de l'immigration clandestine.
Au moins a-t-il ce mérite, et je laisse parler la jeune Tea-bag:

"Tu te souviens?J'étais arrivée sur la plage, au sud de Gibraltar. J'avais l'impression d'être dans la ville sainte des migrants, un palais de sable mouillé d'où s'élevait un pont invisible qui menait au paradis. Parmi les arrivants, beaucoup voyaient avec épouvante qu'il y avait une étendue d'eau entre le paradis et nous. Je me rappelle la tension, et la peur, pendant que nous attendions le bateau qui nous ferait accomplir la traversée. Chaque grain de sable était un soldat à l'affût. Mais je me rappelle aussi une légèreté étrange, des gens qui fredonnaient à voix basse, qui bougeaient comme s'ils dansaient, une danse de la victoire, retenue et lente. Comme si nous étions déjà arrivés. le pont était là, la dernière partie du voyage ne serait presque rien, juste un saut dans le vide, en apesanteur.
Je ne sais pas pourquoi j'ai survécu, moi précisément,quand le bateau a coulé et que les gens enfermés dans le noir essayaient de sortir de la cale avec leurs ongles. Mais je sais que le pont que nous avons tous cru voir, sur cette plage tout au nord de l'Afrique, ce continent que nous fuyions et que nous regrettions déjà- ce pont sera construit un jour. Un jour, la montagne de corps entassés au fond de la mer s'élèvera si haut que le sommet émergera hors des vagues comme une nouvelle terre, et ce pont de crânes et de tibias fera le lien entre les continents, un lien qu'aucun garde-côte, aucun chien, aucun marin ivre mort, aucun passeur ne pourra détruire. Alors seulement cette folie cruelle cessera ,cette folie où des gens innombrables qui fuient pour leur vie sont contraints de s'enterrer dans des sous-sols et d'être les hommes des cavernes de l'ère nouvelle.
J'ai survécu, la mer ne m'a pas avalée, pas plus que la trahison, la lâcheté ou la cupidité. J'ai rencontré un homme qui oscillait comme un palmier et m'a dit qu'il existait des gens qui voulaient entendre mon histoire et me laisseraient vivre dans ce pays. Mais ces gens-là, je ne les ai pas rencontrés. Je donne mon sourire à tous ceux que je croise, mais que me donne-t-on en retour? J'ai cru qu'on viendrait à ma rencontre. Mais personne n'est venu. Et je vais peut être sombrer. Mais je crois que je suis plus forte que toute cette grisaille qui cherche à me rendre invisible. J'existe, même si je n'ai pas le droit d'exister, je suis visible, alors même que je vis dans l'ombre."


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