Le Sillon

les rédacteur en chef de ces journaux qui prétendent incarner la liberté d'expression française ne voient pas l’intérêt de payer de vrais journalistes pour couvrir un moment historique de bascule d'un État de droit dans l'arbitraire. (p205)

Le député arménien Garo Paylan s'est fait exclure du Parlement. Pour avoir prononcé le g-word. Le vide se fait autour du parti d'opposition HDP, dont bon nombre d'élus sont actuellement en prison et multiplient les grèves de la faim en protestation contre les conditions de détention. Les députés du HDP ont été déchus de leur immunité parlementaire, dans les plus grande indifférence de leurs collègues de l'opposition et européens, jetés en prison, bientôt déchus de leur mandat également, histoire d’être sûr que du fond de leur geôle ils n'entravent pas le vote du référendum qui doit donner tous les pouvoirs au président Eldognan. (p243)

Je me console de la violence faite à ces esprits éclairés et sensibles en me disant que les prisons turques n'ont jamais été si bien fréquentées qu'aujourd'hui, et que sans doute s'y tiennent les plus pointus des salons littéraires d'Istanbul. (p242)

A la radio, Wajdi Mouawad raconte la légende d'un oiseau amphibie qui tourne au dessus d'un lac. Fasciné par les poissons, l'oiseau plonge, il devrait se noyer mais il échappe à la mort, car son désir de l'autre, son empathie curieuse, est plus forte que les lois qui veulent que les oiseaux vivent dans l'air et les poissons dans l'eau (p251)

Meurs, et nous t’aimerons, dit un adage populaire arménien. « Les mêmes qui lui trouvent aujourd’hui post mortem toutes les vertus de l’intellectuel courageux, et en font pourquoi pas le symbole de leur cause de toujours, n’étaient pas si enthousiastes quand il était en vie », écrit Jean Kehayan, en préface d’un livre de Hrant refusé de son vivant par son éditeur, dans lequel il ferme une fois pour toutes la porte à toute amertume : « Mes malédictions, je les adresse au passé. »

"Il n’est pas dans ma nature d’abandonner les flammes de l’enfer pour rejoindre la douceur du paradis. Je fais partie de ces hommes qui se sont fixé pour but de transformer en paradis l’enfer dans lequel nous vivons."

Ce n’est pas moi qui le dis c’est Amin Maalouf – déjà en 2004 : « L’intranquillité turque est intense. Le pays s’est détourné de son passé ottoman et il a renoncé à sa primauté au sein du monde musulman pour s’identifier à l’Europe ; alors que celle-ci ressasse encore et encore le souvenir des janissaires sous les murs de Vienne. Que faire lorsqu’on a derrière soi l’abîme et devant soi une porte fermée, ou faussement entrouvertes ? »

Aksel a dessiné la sculpture qui est remise tous les ans, comme récompense, par la Fondation Dink pour honorer des militants qui se sont distingués dans la défense des droits de l’homme, la liberté d’expression, le dialogue entre les peuples. Je m’étonne qu’il existe une fondation ayant pignon sur rue et Georgi dit, mais heureusement que ce pays est capable d’avoir un peu de mémoire sinon on serait quoi, la boîte de nuit du Proche-Orient et c’est tout ? J’acquiesce comme si c’était évident, mais je pense à la phrase de l’écrivain Murat Uyurkulak, « Si nous n’avions pas de mémoire, comment la peur se perpétuerait-elle ?

Qu’est-ce qui fait que la France est encore un symbole si important que le monde entier s’est levé pour Charlie ?

Moi qui n’était venue à Istanbul ni pour faire la révolution, ni pour picoler dans un fauteuil, qui avait prévu d’aller visiter Sainte-Sophie le lendemain à la première heure, je découvris dès mon arrivée les soirées qui s’allongent enfumées au raki, à refaire le monde avec mes hôtes.