AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de montmartin


Début des années 2000, la Turquie hisse avec quelques hoquets sa tête hors du marasme économique. En 2013, l'espoir de faire basculer le pays dans la démocratie s'étouffe dans les gaz lacrymogènes, les coups de matraque, les arrestations, les disparitions et les morts. La narratrice a rejoint son amant à Istanbul, où les enfants des réfugiés syriens errent dans les rues. Elle souhaite écrire un livre sur Hrant Dink journaliste chrétien d'origine arménienne assassiné par un musulman. Agos, le sillon en français était le titre de son journal. Avec la narratrice, nous partons donc sur les traces de ce journaliste

« Il n'était pas comme les autres Arméniens qui avaient vécu toutes ces années sans oser parler. Lui ne voulait plus être du peuple des insectes qui se cachent, de ceux qui ne veulent pas savoir. »

L'occasion d'évoquer bien sûr la cause arménienne et le génocide, le rôle ambigu de l'Europe qui fait semblant de vouloir ouvrir sa porte à la Turquie, la tentative de coup d'État ratée contre le président Erdogan et la furieuse répression qui a suivi, les arrestations des journalistes, écrivains, universitaires où les femmes sont surreprésentées dont Asli Erdogan figure emblématique de la lutte pour les droits de l'homme.

« Une blague circule, racontant qu'un détenu a fait demander à la bibliothèque de la prison un roman d'Ahmet Atlan, et que le gardien serait revenu bredouille en disant que le roman en question n'était pas disponible, mais qu'on pouvait directement s'adresser à l'auteur quelques cellules plus loin. »

Une fois de plus le jury Renaudot n'a pas choisi un livre facile pour attribuer son prix. Je dois reconnaître que j'ai eu quelques difficultés à me plonger dans ce roman très politique où la narratrice déambule dans les rues d'Istanbul pour enquêter sur la mort de ce journaliste d'origine arménienne. La décomposition de son histoire d'amour est en parallèle avec celle de la Turquie, ce pays qui rend les gens fous où le président Erdogan a instauré un climat de suspicion, de haine et de terreur. Ce roman a le mérite de nous éclairer sur la Turquie d'aujourd'hui.

« La vérité est une cause perdue pour nous : c'est comme jouer aux échecs avec un pigeon : même si vous jouez selon les règles, le pigeon va renverser toutes les pièces et finalement chier sur le plateau, vous laissant gérer le bordel. Soyez prévenus. Depuis quinze ans, nous jouons aux échecs avec un pigeon en Turquie, et maintenant nous n'avons même plus d'échiquier. »

Commenter  J’apprécie          260



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}