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Critique de Il_voyage


D'abord un titre, "Le sillon",
Une couverture, un objet-livre plaisant,
Un thème qui m'attirait, qui m'intriguait.

Très belle lecture pour ce qui me concerne, envoûtante, intrigante, parfois déroutante, voir gênante par moment.
Beaucoup a déjà été dit ou écrit, mais la quatrième de couverture à elle seule ne suffit pas. La seule histoire d'une femme rejoignant son amant à Istanbul n'était pas de nature à m'attirer vers l'ouvrage. Mais j'avais entendu, lu, que la narratrice partait aussi sur les traces de Hrant Dink, journaliste turc, d'origine arménienne, assassiné en 2007. Et je voulais saisir l'occasion de ce roman pour découvrir une Turquie, celle d'Erdogan, dont on entend parler dans les médias, plus encore ces derniers jours avec l'offensive sur la frontière syrienne - conflit dont il est question aussi en filigrane dans l'ouvrage -.

Pour être tout à fait sincère, il m'a d'abord fallu un temps "d'acclimatation" pour m'habituer au style de Valérie Manteau. Pas de signes visibles d'un dialogue, et pourtant, dans un même paragraphe, plusieurs personnages peuvent s'exprimer, plusieurs lieux peuvent se succéder. Il n'est pas toujours évident de suivre les pensées de l'auteur-narratrice. Et il n'est pas rare qu'il faille revenir quelques lignes ou pages en arrière pour poser ses repères.
Et puis il m'a fallu comprendre l'intérêt de cette histoire d'amour / désamour entre la narratrice et son amant au coeur d'Istanbul. Pourquoi ce qui s'apparente parfois à une sorte de déballage ? Quel apport au regard des thèmes évoqués par ailleurs, qu'il s'agisse de démocratie, de liberté, de culture, de mémoire ...
Et comme souvent, c'est au fil de la lecture - et aussi, avouons-le, en me demandant ce que je pourrais bien dire de l'ouvrage sur Babelio - que des clés de lecture - mes clés, je n'ai pas la prétention de les croire universelles - me sont apparues.

Je trouve que la narratrice, tout comme l'objet de son livre en cours d'écriture (un ouvrage sur la figure de Hrant Dink) et à l'image de son pays et de sa ville d'accueil (la Turquie et Istanbul), est tout à la fois en ébullition permanente, et en recherche de qui elle est, de son identité.
Elle bouillonne, cette femme qui sillonne la ville, elle ne cesse de découvrir, de se mettre en danger, de se remettre en cause, de sortir de sa zone de confort. Elle donne le sentiment, au travers de ses engagements, de ses relations notamment amoureuses, d'être en quête de son identité. Et c'est aussi ce portrait-là que Valérie Manteau dresse de la Turquie d'aujourd'hui. Un pays, un peuple parfois tiraillé entre des sentiments contradictoires, qui fait face à son passé, avec la question mémorielle et ô combien douloureuse du génocide arménien, qui fait face à son présent avec les atteintes à la démocratie et aux libertés du régime actuel du président Erdogan (évocation du putsch raté des militaires, enfermement et procès de journalistes, événements du parc Gezi et de la place Taksim) et qui s'interroge sur son avenir.

Saisissant parallèle donc durant tout cet ouvrage que je crois avoir au final beaucoup aimé. Et dont l'écriture, d'abord déroutante, colle finalement si bien au propos. Un foisonnement, une explosion de chaque instant.
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