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Critique de SZRAMOWO


Face Mort est un roman comparable par sa qualité littéraire, son actualité et l'intérêt de son intrigue, à Pukhtu de DOA.

L'action se situe de nos jours au coeur de la lutte contre le terrorisme et ses nouvelles formes. La France, présente militairement au Sahel, gère de plus en plus difficilement les conséquences de la guerre qu'elle a déclenchée en Libye en 2011 et fait face à l'instabilité du pays : « Des bandes qui viennent du Niger ou du Tchad, un vrai bordel. Faites gaffe. Ne croyez pas que vous serez en Libye, vous ne serez nulle part. Les frontières, c'est fini. Un vrai merdier. Et vous serez tout seuls dedans. »

Les anciens alliés, ceux qui l'ont aidée à se défaire Khadafi sont maintenant soumis au chantage du Djihad qui les fait passer pour des traîtres ayant pactisé avec des mécréants. Ils la lâchent les uns après les autres « Après avoir conquis un énorme territoire à cheval sur l'Irak et la Syrie, Daech avait dû plier bagage sous la pression des bombardements. Ils venaient reconstruire le califat en Libye. »

A la DGSE les points de vue différents entre « politiques » « gens de terrains » et « technos » se confrontent autour des dossiers sensibles. Un jeune stagiaire, le lieutenant Kabla est chargé de paramétrer Face Mort un logiciel d'intelligence artificielle qui allie la reconnaissance faciale au recoupement des données de contexte concernant les personnes qu'il a identifié : « L'algorithme avait faim. le petit lieutenant avait passé plusieurs semaines à le gaver à l'aide de toutes les bases de données antiterroristes assemblées minutieusement par les correspondants de la maison. »

Alors qu'il soumet au logiciel la vidéo d'une exécution en Libye, Kabla met à jour une nouvelle avancée du dossier Sauterelle, un dossier dormant depuis une dizaine d'années « (…) assorti d'un très haut niveau de secret et le petit lieutenant ne faisait pas encore partie des heureux habilités.  »

Sur le terrain, que fricotent dans une zone déserte de Libye, « Une belle Libyenne de l'Est », « Umberto Sica, le scientifique italien » recherché par la France et un Algérien « le docteur en botanique, Ali Mokhtari. » - alias Fakir pour la DGSE - ?

Sur le terrain toujours, la capitaine Maxime Barelli, en réserve de l'armée, est pourtant chargée avec ses hommes, de la «  Neutralisation sélective » de djihadistes : « C'était tout simplement plus facile et moins coûteux de liquider ces salopards en Libye que dans les banlieues de Paris ou de Strasbourg.  (...) Ceux que Maxime Barelli recherchait étaient organisés, ils avaient réussi à échapper pendant des mois aux meilleurs services de renseignement du monde.  »

Parmi les Français partis faire le Djihad en Syrie et exfiltrés en Libye, « Simon Chassan, le petit malfrat de Montauban, avait beau s'être transformé en moudjahid, il avait toujours les mêmes difficultés à manier les idées abstraites. À Montauban, il n'avait été qu'un banal délinquant, en train de perdre un combat inégal contre le bégaiement. Il n'intéressait même pas la police (…) En prison, trajectoire classique. Il y a rencontré des salafistes, en particulier un type qui se faisait passer pour un imam alors qu'il était épicier, mais l'arnaque au faux imam est fréquente, en prison (…) À Raqqa, il s'est installé dans une villa abandonnée avec cinq autres Français de Montauban et de Toulouse (…) il était toujours candidat pour les exécutions, ce qui est plutôt rare. Il est considéré comme pieux. »

La mise en scène et en perspective des lieux de combats, des combattants, des services de renseignements, des représentants de l'Etat, est très réussie et m'a fait penser à la série le Bureau des Légendes. L'enchaînement rapide et tourbillonant des événements maintient le lecteur en alerte, l'inventivité et le réalisme de l'auteur donne une coloration extrêmement réaliste à son récit.
Bravo.

Tout laisse à penser au lecteur, loin des informations convenues et du politiquement correct en vigueur sur le sujet, que cela pourrait bien se passer comme nous le suggère Stéphane Marchand, dans la réalité, et plus fort, pourrait même se dérouler tandis que confortablement installé, il lit son roman..
Un autre point fort du récit est la description de la mise en oeuvre d'un très haut niveau de technologie par les services de renseignements (Drones, satellites, télécommunications, intelligence artificielle) mais aussi par les terroristes, qui donne tout son sens au terme internationalisation du terrorisme. Les frontières n'existent plus et les « théâtres d'intervention » peuvent exister partout dans le monde.

Le lecteur acquiert très vite la conviction qu'entre les politiques, obnubilés par la réélection du Président, les militaires, les gens de terrain, les praticiens ou les scientifiques requis pour apporter leur savoir, les objectifs sont différents pour ne pas dire antagonistes.
Sous les ors de la République, « Le secrétaire général de l'Élysée cherchait ses mots pour transmettre au Président une partie de son stress, en vain. Dans les yeux du président de la République, il lisait son impossible mission : il allait devoir régler cette affaire tout seul.  »
Mais, « Les présidents passaient, les services restaient.  »

Le tout a une odeur discrète de financement libyen de la campagne de 2007, je ne vous dit que ça !

Le final est stupéfiant.

En résumé, un roman réussi sur un sujet très actuel, dont je recommande la lecture !
Lien : https://camalonga.wordpress...
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