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Critique de tantquelesgenslisent


Parce que j'aime lier voyages et lectures, j'ai choisi cette fois la passion d'une brillante helléniste. J'ai étudié le latin mais pas le grec ancien et l'ex-khâgneuse en moi s'est réjouie de la vitalité avec laquelle l'autrice redonne vie à une langue dite morte. J'aurais aimé qu'un ouvrage similaire consacré latin eut existé pour m'éclairer quelques lanternes.

Nul besoin d'être helléniste pour apprécier cet ouvrage ! Passées quelques technicités, il est accessible à tous ceux qui s'intéressent aux mutations sociolinguistiques et souhaitent ouvrir leurs chakras. Plus personne n'échange en grec ancien mais doit-on pour autant s'affranchir d'une façon éclairante de dire l'homme et le monde ? Il est bon de se rappeler que les Grecs antiques n'ont pas toujours été des statues muettes réservées à quelques élites et placards poussiéreux, mais bien un peuple devant échanger, commercer, débattre... L'autrice redouble d'humour et d'anecdotes personnelles pour mettre cette langue à notre portée et en prouver toute l'humanité. Beauté et spiritualité.

Le grec ancien se préoccupait peu, voire pas du tout, du temps. Les Grecs s'exprimaient en prenant en considération l'effet des actions sur le locuteur. Eux, qui étaient libres, se demandaient toujours comment. Nous, qui sommes prisonniers, nous nous demandons toujours quand.

Andrea Marcolongo ranime les subtilités grammaticales tombées dans les abysses de l'Egée au nom de la démocratie de l'usage. Au-delà d'un mode et d'une règle de grammaire, l'optatif était un délicat moyen d'exprimer le souhait. Il en va de même pour le subtil duel aujourd'hui dilué dans l'universel pluriel. Elle regrette ces fragiles témoins d'une intelligence jamais binaire, d'une façon de penser le monde et de le vivre. L'apprentissage du grec ancien façonne le raisonnement à l'aide de points de vue différents, plus nuancés et exprimant des sensibilités dont le cerveau regorge, peu importe l'époque.

L'étude du grec contribue à développer l'aptitude à vivre, à aimer, au goût de l'effort, à choisir et à assumer la responsabilité de ses succès et de ses échecs.

Généreuse, l'autrice partage un enthousiasme qui devrait être le premier ingrédient de tout enseignement linguistique et qui se fait pourtant si rare. Elle montre l'importance de faire preuve d'empathie pour ceux dont on étudie la langue. Pour comprendre Homère, quoi de mieux que de se mettre dans ses sandales ? Une méthode sensitive et ludique comme une chasse au trésor éloignant les sirènes mortelles de l'ennui.

Ceux qui ont connu la rare grâce d'aimer vraiment sauront toujours distinguer la différence d"intensité et de respect qu'il y a entre penser "nous deux" et penser "nous" ; mais ils ne savent plus le dire. Pour le dire, en effet, il leur faudrait le duel du grec ancien.

Enfin je suis ravie qu'un livre consacré au grec ancien soit un best-seller traduit en plusieurs langues. Donnée encourageante pour l'érudition et l'ouverture d'esprit. Tout n'est peut-être pas perdu finalement.

Je me réjouis de découvrir ses prochains ouvrages.
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