La nouvelle intitulée, -Quel âge avez-vous ? -:
Non, elle ne dirait pas qu'elle avait soixante-dix ans, ce serait trop facile: il pourrait la croire résignée, déjà de l'autre côté; il pourrait croire ce qu'elle croyait, elle, quand elle était entrée ce soir-là dans la brasserie: qu'elle en avait fini avec l'enfer de l'amour et du manque d'amour (car les deux l'avaient en quelque sorte saccagée); il pourrait croire qu'elle était une femme vieillie, une grand-mère, une arrière-grand-mère, peut-être, avec une maison, des enfants, des petits-enfants, un mari quelque part, en voyage ou en province; il pourrait se méprendre, croire qu' elle avait vécu, que la richesse de la vie avait été suffisante- alors qu'elle était encore neuve, et vierge, et que rien, absolument rien n'avait eu lieu...(p.43)
La nouvelle intitulée, Retrouvailles :
...sa stabilité resplendissante ne venait nullement d'elle-même mais de son époux qui aplanissait toutes les difficultés, à qui elle devait tout, y compris cette possibilité où elle se trouvait de laisser vagabonder son esprit. (...) Elle connaissait parfaitement sa paradoxale ingratitude: c'était parce qu'il mettait tout à sa disposition qu'elle avait le temps, et même le désir, de recevoir davantage. (...) Lucide, elle savait parfaitement la trouble origine de son obsession: la sécurité d'avoir l'indispensable la rendait insatiable. (p.99-100)
La nouvelle intitulée, Un Amour heureux:
Le voici devant la table, avec son titre. Mais pourquoi écrire, pourquoi utiliser une langue qui n'est pas faite pour la joie, et dont les mots acérés ne furent créés que pour débusquer les masques du mal, dépister ce qui se cache derrière les choses, soulever les pierres et regarder, dans l'humus humide, la vie des insectes- pourquoi, oui, pourquoi vouloir écrire ? (p. 113)
La nouvelle intitulée, L'Heure du courrier :
...aucun être ne demeure tel qu'il fut, à un moment donné, aimé et connu. Elle avait eu le tort de prétendre embaumer la vie, alors que les êtres étaient de la poussière en puissance qui se tenait debout. Le moindre courant d' air, le moindre souffle, pouvait les détruire comme des fresques. (p.70)
Au fond il est anxieux de voir qu'elle n'aime que lui, il se sent vulnérable d'être l'élu; sans doute aurait-il une plus haute idée de sa personne s'il n'était pas le seul, mais le préféré. (p.115)
A quoi servait donc cette tension présente, cette soif de l'autre, qui devait déjà contenir, comme les attentes précédentes, sa propre retombée , (p.18)